PARIS, 16 décembre 2013 (APM) - Le député Olivier Véran (PS, Isère) dresse un constat accablant de l'emploi médical temporaire à l'hôpital public, qui représenterait 500 millions d'euros de surcoût pour les établissements et concernerait 6.000 médecins, dans un rapport dont l'APM a obtenu copie.
Dans ce rapport d'une trentaine de pages réalisé pour le groupe socialiste de l'Assemblée nationale et qui doit être remis mardi, le député formule 14 recommandations organisées autour de quatre axes, dont trois visent à réduire le recours à l'emploi médical temporaire à l'hôpital (cf
dépêche du 16/12/2013 à 14:20) et le dernier a pour objectif de réduire à court terme les abus constatés dans ce secteur (cf
dépêche du 16/12/2013 à 14:20).
Dans son rapport, Olivier Véran cite trois spécialités caractérisées par une "forte pénibilité", des "tensions démographiques" et/ou un "fort différentiel de rémunération public/privé" et qui cumulent 70% des difficultés. Il s'agit de l'anesthésie, la radiologie et la médecine d'urgence. Il mentionne également dans une moindre mesure la gynécologie- obstétrique et la pédiatrie.
Il souligne qu'en anesthésie, seul un poste de titulaire sur trois est pourvu. En radiologie, un quart des sorties de la fonction publique hospitalière sont des démissions, affirme-t-il.
Les hôpitaux hors CHU qui sont les plus concernés par cette problématique disposent "de peu de marges de manoeuvre", révèle le député socialiste. Il cite une faible attractivité pour des jeunes médecins essentiellement formés dans des gros CHU, le peu d'autonomie réglementaire en matière de rémunération et un manque d'outils pour attirer d'éventuels candidats.
Il précise que le marché de l'emploi médical temporaire se répartit entre sociétés de recrutement, agences d'intérim et recrutements en "gré à gré", solution la plus couramment utilisée.
Un praticien hospitalier gagne environ 260 euros nets par jour travaillé et 600 euros pour une garde de 24 heures, contre 650 euros nets pour une journée en mission temporaire et 1.300 euros pour une garde de 24 heures en mission temporaire, signale Olivier Véran.
"Une fois additionnés les indemnités spécifiques, frais d'hébergement, de transport et de bouche, les frais d'agence, les diverses charges, le coût global est triplé", écrit-il dans son rapport.
Selon des projections faites à partir d'une étude la Fédération hospitalière de France (FHF), le surcoût pour les hôpitaux est estimé à environ 500 millions d'euros par an. Le nombre de médecins exerçant régulièrement des missions temporaires à l'hôpital public est estimé à 6.000.
Le député fait état de la multiplication de situations abusives, notamment pour "sédentariser" un médecin temporaire. Ainsi, par exemple, certains directeurs reconduisent des contrats de courte durée très bien payés, mois après mois. Parfois, c'est le tableau de service qui est aménagé pour rémunérer un temps partiel sur une grille de temps plein. Parfois, le salaire est amélioré au moyen de gardes surnuméraires, c'est-à-dire non justifiées par des obligations de continuité des soins, rapporte-t-il.
SUR-REMUNERATIONS CACHEES
Olivier Véran signale que ces sur-rémunérations cachées ont déjà donné lieu à plusieurs condamnations, mais que les contrôles restent "rares".
Il révèle aussi une "pratique courante", celle de médecins qui cumulent un temps plein salarié à l'hôpital avec des missions courtes dans un autre établissement. "Cette pratique des 'ménages' est bien connue des sociétés comme des directions hospitalières, qui s'en accommodent", souligne le député, qui note que le risque de cet exercice irrégulier de la médecine est important, mais les condamnations "rarissimes".
Le député évoque la question du coût mais également la question de la qualité et de la sécurité des soins. Il fait remarquer que les missions temporaires ne favorisent pas l'implication dans le projet médical d'établissement, ni la connaissance des procédures, la maîtrise des logiciels informatiques ou le suivi au long cours des malades.
Il déplore que la seule condition requise par les établissements, qui est aussi la seule information rendue disponible par les sociétés prestataires, soit l'inscription à l'ordre des médecins des candidats.
Pour cette mission, le député a auditionné des professionnels (syndicats professionnels, syndicats étudiants et jeunes médecins), des sociétés d'intérim, des responsables d'agences régionales de santé (ARS), de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) et de la FHF.
La direction générale de l'offre de soins (DGOS), le Centre national de gestion (CNG) le cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé et plusieurs personnalités qualifiées ont également été entendus. Les conférences des présidents de commission médicale d'établissement (CME), des directeurs généraux hospitaliers, des doyens de facultés de médecine ont été aussi auditionnés. Une table ronde a été organisée à Grenoble par la FHF Rhône-Alpes.
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