PARIS, 27 avril 2020 (APMnews) - L'anticorps anti-IL-6 tocilizumab (RoActemra*, Roche) a permis de diminuer le risque de besoin d'une ventilation ou de décès chez des patients souffrant de Covid-19 avec pneumonie moyenne ou sévère, dans l'essai française CORIMUNO-TOCI.
L'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) qui en est le promoteur, a annoncé ce résultat positif, mais sans donner de chiffres, dans un communiqué lundi.
Les auteurs de l'étude ont également participé à une visioconférence de presse, où ils ont souligné le fait que s'il y avait déjà eu des données suggérant l'intérêt du tocilizumab dans les formes graves de Covid -comme celles annoncées par l'hôpital Foch à Suresnes vendredi (cf
dépêche du 24/04/2020 à 16:25)-, leurs résultats sont les premiers résultats randomisés dans le monde sur ce produit dans le Covid.
L'étude CORIMUNO lancée fin mars, principalement dans des établissements de l'AP-HP mais qui associe aussi d'autres centres en France, vise à évaluer différents traitements immunomodulateurs chez des patients infectés par le coronavirus Sars-CoV-2 chez des patients en réanimation ou à risque d'aller en réanimation (cf
dépêche du 06/04/2020 à 12:28).
Cet essai a un design original permettant la réalisation rapide et simultanée d’essais contrôlés randomisés de médicaments. Il permet de comparer différents médicaments au traitement standard ou aux autres traitements évalués dans cette étude.
C'est la partie de l'étude évaluant le tocilizumab chez des patients qui ne sont pas en réanimation qui a donné des résultats. Dans CORIMUNO-TOCI, "les patients ont été sélectionnés sur la base d'une hospitalisation pour pneumonie Covid-19 moyenne ou sévère, mais ne nécessitant pas de réanimation au moment de l'admission", indique l'AP-HP dans un communiqué.
Baisse des besoins de ventilation ou décès
Au total, 129 patients ont été randomisés: 65 pour traitement habituel + tocilizumab, et 64 pour le traitement habituel.
Le critère de jugement primaire, qui était la combinaison du besoin de ventilation ou le décès à 14 jours, a été significativement diminué avec le tocilizumab.
Les résultats de cet essai vont être soumis pour publication dans un journal à comité de lecture. Les chercheurs ont souligné le fait que ces résultats doivent être revus par un comité de lecture puis publiés, et qu'il est nécessaire que d'autres études les confirment. Mais dans le contexte d'urgence de la pandémie de Covid-19, il était "éthique de communiquer sur ces informations" (sans toutefois donner de détails, ndlr).
Interrogés par APMnews sur les conséquences de leurs résultats pour le traitement des formes graves de Covid, ils ont estimé que c'était au Haut conseil de la santé publique (HCSP) et aux autres instances produisant des recommandations de "redéfinir le standard de soins".
Lors de la conférence de presse, les Prs Olivier Hermine de l'hôpital Necker-Enfants Malades et Xavier Mariette de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre ont rappelé que chez certains patients infectés par le Sars-CoV-2 se développe une réaction inflammatoire excessive, un "orage inflammatoire" qui à la fois est délétère pour les poumons et empêche le système immunitaire d'éliminer le virus.
L'IL-6 est l'une des principales cytokines impliquées. Le tocilizumab, dont l'efficacité et la tolérance dans son utilisation actuelle contre la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont bien connues, a donc été testé. Il était administré à la même dose que dans la PR, soit une seule fois soit, s'il n'y avait pas de réponse immédiate, une deuxième dose était donnée à J3.
Il n'y a pas eu plus d'effet indésirable par rapport au groupe contrôle.
Le Pr Philippe Ravaud de l'Hôtel-Dieu à Paris, coordonnateur de CORIMUNO, a souligné l'intérêt du
design de l'étude qui permet de "réaliser des essais très rapidement" et ainsi "trouver des traitements efficaces en urgence". Cela a permis d'être les premiers à obtenir des résultats alors que d'autres études en cours (cf
dépêche du 19/03/2020 à 12:09), plus classiques, bien que débutées avant, donneront peut-être leurs résultats seulement à la fin de l'épidémie.
CORIMUNO a évalué et évalue encore une série d'autres médicaments. Il y a notamment un autre anti-IL-6, le sarilumab (Kevzara*, Sanofi/Regeneron), mais qui est administré en sous-cutané (le tocilizumab est intraveineux) et à une dose différente. Les scientifiques ont indiqué qu'actuellement les résultats ne sont pas encore assez matures pour conclure, mais des résultats plus solides sont attendus pour "les prochains jours".
Pour l'antagoniste des récepteurs de l'IL-1 anakinra" (Kineret*, Sobi), on est "proche de la fin des inclusions" et il faut donc encore attendre pour avoir des résultats. D'autres traitements sont encore en cours, dont celui par administration de sérums de malades guéris (
dépêche du 03/04/2020 à 15:05) et d'autres dont les chercheurs n'ont pas voulu citer les noms. Ils ont parlé de traitements vasculomodulateurs.
De plus, concernant le tocilizumab, alors que les résultats annoncés portent sur des maladies qui sont à risque mais ne sont pas en réanimation, une autre partie de CORIMUNO évalue cet anticorps chez des patients qui sont en réanimation. "Le recrutement est terminé mais nous avons besoin de plus de suivi."
CORIMUNO implique au total une trentaine de centres, dont 13 pour la partie CORIMUNO-TOCI, avec outre des centres de l'AP-HP, les CHU de Strasbourg et de Lille et Gustave-Roussy (Villejuif, Val-de-Marne).
Les responsables de la recherche à l'AP-HP et les auteurs de l'étude ont salué lors de la conférence de presse la forte mobilisation, de "plus de 400 personnes" (chercheurs, personnels médicaux, pharmaciens, administratifs) qui a permis de concevoir et de lancer cette étude rapidement. La rapidité d'autorisation par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le comité de protection des personnes (CPP) a aussi été saluée.
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