ANGERS, 31 mars 2020 (APMnews) - Le CHU d'Angers a annoncé mardi le lancement d'une étude clinique multicentrique française qui va évaluer contre placebo l'hydroxychloroquine en traitement de l'infection par le coronavirus Sars-CoV-2.
L'essai Hycovid est promu et financé par le CHU d'Angers et inclura 32 autres établissements français: 14 autres CHU, 17 CH et un établissement privé, a indiqué le Pr Vincent Dubée, infectiologue au service des maladies infectieuses et tropicales, lors d'une visioconférence de presse mardi.
Ces centres sont répartis dans différentes régions de France, avec une forte prédominance de l'ouest du pays, car il existe un réseau de collaboration de recherche entre établissements, mais il y en aussi d'Ile-de-France et d'ailleurs. Interrogé sur la faible présence d'établissements du Grand Est, le Pr Alain Mercat, président de la commission médicale d’établissement (CME) du CHU d'Angers, a souligné le fait que dans cette région "certains hôpitaux sont déjà débordés et il leur est difficile de dégager du temps. Il faut veiller à ne pas désorganiser les soins".
Cette étude, qui commencera à enrôler des patients dès mercredi, doit inclure 1.300 patients qui seront randomisés entre l'hydroxychloroquine et un placebo.
L'azithromycine n'a pas été associée à l'hydroxychloroquine en raison d'inquiétudes sur le risque de toxicité, notamment cardiaque.
Il s'agit de patients qui sont infectés par le Sars-CoV-2 et ont une maladie de forme non grave à ce stade mais "qui ont un risque élevé d'évolution défavorable", et donc que l'on souhaite "traiter précocement". Il s'agira notamment de patients âgés de 75 ans et plus, et de patients qui "ont besoin d'oxygène mais ne nécessitent pas d'entrée en réanimation" au moment où ils sont inclus, a précisé Vincent Dubée.
Pourront être inclus des patients qui ne sont pas hospitalisés, notamment des patients en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) mais aussi potentiellement des patients qui sont encore confinés à leur domicile.
Le critère d'efficacité de l'étude est "la nécessité d'intubation pour placer le patient sous ventilation mécanique ou le décès".
Les effets secondaires, notamment cardiaques, seront surveillés.
Interrogé par APMnews sur le délai avant de premiers résultats, il a espéré en avoir "dans quelques semaines" mais a estimé qu'il n'était pas possible de donner un délai précis car "cela dépendra de l'évolution de l'épidémie, de la capacité des centres à inclure des patients rapidement…" La méthodologie de cette étude permettra d'identifier s'il y a des premiers résultats positifs avant que la totalité des 1.300 patients prévus soient inclus.
Rigueur scientifique et neutralité
Alors que de nombreuses questions se posent sur les résultats annoncés par l'équipe de l'IHU Méditerranée Infection de Marseille sur la chloroquine, sans groupe contrôle permettant de connaître l'ampleur de l'effet (cf
dépêche du 30/03/2020 à 14:28), les représentants du CHU d'Angers ainsi que des médecins des CH du Mans et de la Roche-sur-Yon présents en visioconférence ont tous insisté sur l'importance d'une grande rigueur scientifique et de la "neutralité" de leur approche.
L'essai est randomisé, contrôlé, contre placebo, et tout en espérant pouvoir concrétiser l'espoir que représente cette piste thérapeutique, ils affirment n'avoir aucun a priori. Actuellement selon eux, "aucun élément ne permet de considérer qu'il y a une preuve que l'hydroxychloroquine diminue la mortalité ou la nécessité de recours à une ventilation".
"Le projet a été conçu, présenté aux autorités et organisé selon les méthodes classiques de recherche clinique", a souligné Alain Mercat, notant simplement la rapidité avec laquelle les choses ont été faites, tant au niveau de l'établissement (il a salué l'équipe "dynamique" du CHU qui a "travaillé jour et nuit") qu'au niveau des autorités et du comité de protection des personnes (CPP) qui a examiné le projet et donné son aval en quelques jours.
L'objectif est d'avoir "une réponse définitive" sur l'intérêt ou non de l'hydroxychloroquine contre ce coronavirus.
Un essai complémentaire de l'essai Discovery
Interrogés sur la différence entre cet essai et l'essai Discovery qui a débuté et évalue également, parmi d'autres traitements, l'hydroxychloroquine, les responsables de l'étude Hycovid ont souligné l'avantage d'avoir un placebo (Discovery est un essai en ouvert, les patients traités étant comparés à un bras où les patients reçoivent les soins standards).
Et Hycovid inclut les patients à un stade plus précoce (bien qu'il y ait un petit "overlap" entre les critères des deux études). A cet égard, on peut considérer les deux études comme "complémentaires", a estimé Alain Mercat.
Le CHU d'Angers est le promoteur de cet essai. Il le finance, à hauteur de 850.000 euros, a indiqué Cécile Jaglin-Grimonprez, directrice générale. Les autres centres participent financièrement dans la mesure où ils ne réclameront pas au promoteur le financement des surcoûts induits par cette recherche, comme cela se fait habituellement.
Lors de la conférence de presse, elle a fait un appel aux dons, de particuliers ou d'entreprises, pour aider le CHU à financer l'essai.
Le président de la CME a expliqué que le CHU disposait déjà du médicament et du placebo, formulés dans des comprimés d'aspect identique, qui étaient au départ "prévus pour une autre étude". C'était une "opportunité" qui a permis de lancer rapidement une étude.
Les établissements participant à l'essai Hycovid sont: CHU d'Angers, CH de Versailles, CHU d’Amiens, Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), centre hospitalier (CH) de Melun, CHU de Limoges, CH de Saint-Brieuc, CH de Vendée, CH de Cholet, CH de Colmar, CH de Cherbourg, CH de Lorient, CH de Quimper, CHU de Rennes, CHU de Toulouse, CHU de Dijon, CH de la Roche-sur-Yon, CHU de Tours, CH du Mans, CHR d’Orléans, CHU de Nantes, CH d’Agen, CHU de Caen, CHU de Poitiers, CHU de Brest, CH de Niort, CH de Saint-Nazaire, CH de Laval, CH de Tourcoing, CH de Monaco, Hôpital privé du Confluent de Nantes, CHU de Saint-Etienne, Nouvelles cliniques nantaises.
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