dépêche

 - 

Covid-19: 9 hôpitaux européens réclament une collaboration continentale contre les pénuries de médicaments essentiels

PARIS, 31 mars 2020 (APMnews) - Les neuf plus grands hôpitaux d'Europe, dont l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), ont adressé mardi un courrier à leur gouvernement respectif pour alerter sur les pénuries à venir de médicaments essentiels dans le traitement des patients atteints du Covid-19 et les appeler à réagir par une plus grande collaboration européenne, selon des informations révélées par Le Monde et confirmées à APMnews.
Cet appel provient de la European University Hospital Alliance (EUHA), qui comprend, outre l'AP-HP, les hôpitaux San Raffaele à Milan, Vall d'Hébron à Barcelone, King's College à Londres, Charité à Berlin, Karolinska à Stockholm, AKH Wien & MedUni Wien à Vienne, Erasmus MC à Rotterdam et l'UZ de Louvain.
En France, le courrier devait être envoyé mardi matin au président de la République, Emmanuel Macron, au premier ministre, Edouard Philippe, et au ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran. Parmi les signataires de l'AP-HP, figurent entre autres son directeur général Martin Hirsch, le président de la commission médicale d'établissement (CME) Rémi Salomon et le président de la conférence des doyens Bruno Riou.
"Les hôpitaux seront bientôt à court de médicaments essentiels pour traiter les patients atteints du Covid-19 hospitalisés en unités de réanimation. Faute d’une collaboration européenne pour garantir un approvisionnement continu en médicaments, ils risquent de ne plus pouvoir fournir des soins intensifs adéquats d’ici une à deux semaines", alertent-ils dans leur courrier, dont APMnews a eu copie dans sa version anglophone.
L'AP-HP avait déjà rapporté des tensions sur certains médicaments et pris la décision d'économiser les anesthésiques, rappelle-ton (cf dépêche du 27/03/2020 à 20:24). Le premier ministre, Edouard Philippe, s'est également inquiété samedi de ces tensions "considérables" qui touchent certains médicaments de réanimation, citant des augmentations de la demande de l'ordre de 2.000% pour certains produits. "A chaque fois qu'un établissement de santé nous fait part de difficultés pour s'approvisionner ou sur les stocks, nous mettons tout en oeuvre pour lui fournir ces médicaments", a assuré samedi Olivier Véran (cf dépêche du 28/03/2020 à 21:39).
"A ce rythme de consommation, les stocks des hôpitaux les plus touchés seront vides dans quelques jours et dans deux semaines pour ceux qui disposent de stocks plus importants [...] Cela a déjà conduit certains hôpitaux à acheter des médicaments ou des dosages différents de ceux auxquels ils sont habitués. Il est extrêmement inquiétant de voir des infirmiers et des étudiants en médecine surchargés de travail et souvent moins expérimentés utiliser des produits et des dosages dont ils ne sont pas familiers", poursuivent les signataires du courrier.
Interrogé samedi sur les mesures concrètes mises en oeuvre, le premier ministre a indiqué régler le problème des tensions d'approvisionnement en "assurant la coordination et la circulation de médicaments" et en "faisant en sorte d'encourager la production nationale et mondiale".
L'EUHA se dit "reconnaissante" des réactions rapides prises par les autorités régionales et nationales pour ralentir la propagation du virus et assurer un approvisionnement suffisant en produits de santé mais, selon elle, "la situation a maintenant évolué au point qu'une collaboration et une coordination internationales sont essentielles".

Des politiques nationales aux effets parfois négatifs

Selon un sondage mené auprès des membres de l'alliance, les besoins les plus urgents portent sur les médicaments utilisés en soins intensifs. Les stocks actuels des hôpitaux en relaxants musculaires, sédatifs et analgésiques se "consomment rapidement" et le réapprovisionnement est "insuffisant, voire inexistant", signalent les établissements, qui estiment que cette tension est devenue un "facteur limitant dans le soin des patients Covid".
"Certaines autorités ont réagi en fermant leurs frontières à l'exportation -mais pas à l'importation- de ces médicaments", notent-ils. "Aussi compréhensible que peut sembler cette mesure pour tenter de sauvegarder les stocks, elle aura un effet négatif si elle empêche ces médicaments d'être exportés vers des hôpitaux transfrontaliers qui en ont besoin", regrettent-ils.
"La disponibilité des médicaments dépend des réseaux internationaux de distribution", affirment-ils, les médicaments spécifiques, y compris les génériques, étant "fabriqués uniquement dans quelques sites dans le monde".
"Aucun pays en Europe n'a les usines de production nécessaires pour fournir tous les médicaments (ou les dispositifs de protection, ou les respirateurs) nécessaires", préviennent-ils "De plus, si, à la suite d'études en cours, certains médicaments peuvent s'avérer actifs contre le coronavirus, une réponse coordonnée sera à nouveau essentielle pour garantir que le médicament soit disponible pour ceux qui en ont besoin et en maximiser les bénéfices".
"Une action européenne coordonnée sera d'une importance vitale compte tenu de la vitesse à laquelle va la recherche mondiale de ces médicaments, qui suivra l'augmentation rapide du nombre de cas de Covid-19 dans d'autres régions du monde", estiment les neuf établissements.

Un "plan national" mis en place en France

Interrogé sur le sujet des pénuries de médicaments dans les hôpitaux lors des questions au gouvernement qui se tenaient à l'Assemblée nationale mardi, le premier ministre a annoncé avoir mis en place un "plan national qui consiste à avoir des approvisionnements nationaux de façon à grouper les commandes et pouvoir utiliser à la fois la force de commandes groupées et l'influence de la diplomatie française". Olivier Véran a précisé plus tard que ce dispositif portait sur "huit molécules d'intérêt majeur".
"Nous avons aussi mis en place une méthode qui vise à répartir ces fonds en fonction des besoins dans les régions afin que chacun ait accès aux molécules nécessaires", a ajouté Edouard Philippe.
Le chef du gouvernement a aussi assuré avoir contribué à prendre des mesures au niveau européen. "Nous avons fait en sorte que soit prise une mesure européenne pour que les médicaments produits dans le territoire européen ou à l'extérieur puissent arriver sous une seule forme d'emballage, écrit dans une seule langue, en anglais", a-t-il fait savoir. "Le simple fait de permettre cette dérogation a permis à certaines usines d'augmenter par trois la production", a-t-il affirmé, car les industriels n'ont pas à "se concentrer sur les spécificités propres à chaque pays".
Ces mesures visent à répondre à l'urgence. "Je ne cache rien des difficultés qui pourraient intervenir dans la durée si l'industrie pharmaceutique n'augmente pas considérablement sa capacité de production", a alerté Edouard Philippe. "Aucune consommation ne résiste à une augmentation de 2.000% de la demande", a-t-il prévenu.
mjl/eh/APMnews

[MJL2Q8226O]

A lire aussi