PARIS, 1er avril 2020 (APMnews) - Le premier ministre, Edouard Philippe, a expliqué mercredi soir aux députés qu'il était "probable" que le déconfinement de la population soit plutôt progressif, selon des scénarios qui restent à élaborer.
Le premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, ont été auditionnés mercredi soir pendant 3h20 par une mission d'information de l'Assemblée nationale consacrée à "l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19 en France".
La problématique du "déconfinement" est "redoutablement complexe", a estimé le chef du gouvernement en réponse à une question du président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui chapeaute exceptionnellement la mission d'information.
"Il est probable que nous ne nous acheminons pas vers un déconfinement qui serait général et absolu, en une fois, partout et pour tout le monde. C'est probable", a expliqué Edouard Philippe.
Il a précisé que plusieurs équipes étaient chargées de travailler sur cette question, en étudiant l'opportunité et la faisabilité d'un déconfinement qui pourrait par exemple être régionalisé, soumis à une politique de tests, ou fonction de classes d'âge.
"Nous sommes en train d'expertiser les scénarios en fonction des hypothèses", a-t-il poursuivi, estimant que "la discussion sur ce déconfinement devra avoir lieu" et devra prendre en compte "avant tout des impératifs de protection de la santé".
"Nous espérons pouvoir avancer sur le sujet et présenter une stratégie dans les jours, les semaines qui viennent, pour pouvoir donner une perspective à nos concitoyens", a expliqué Edouard Philippe.
"Il n'y a pas de précédents. On n'a jamais confiné aussi largement autant de gens, et donc par définition, on n'a jamais déconfiné aussi largement autant de gens", avait auparavant développé Edouard Philippe. "Il n'y a pas de process écrit, de méthode éprouvée".
"Le déconfinement va dépendre de la réalisation d'éléments dont nous ne disposons pas aujourd'hui entièrement", a-t-il observé, évoquant d'abord l'espoir de disposer de traitements éprouvés le moment venu, de la capacité de la France à tester la population (sérologie ou virologie) et enfin de l'immunisation de la population.
Les admissions en réanimation, l'indicateur décisif
"Ce qui est à peu près acquis, c'est que nous avons décidé du confinement en application d'une stratégie consistant à limiter le nombre de cas sévères en essayant de faire en sorte qu'ils ne dépassent pas les places disponibles d'accueil dans les services de soins intensifs et de réanimation. Cet indicateur, tant qu'il n'y a pas de traitement éprouvé, pas de vaccin, reste évidemment un indicateur décisif pour le déconfinement", a-t-il insisté.
"Le calendrier, je ne le connais pas encore. La méthode sera probablement une méthode progressive, car je ne crois pas que l'on puisse imaginer un déconfinement général, immédiat à une date donnée. Je pense que ce serait prendre un risque sanitaire de rebond de l'épidémie", a-t-il par la suite précisé, en répondant à une question du président du groupe France insoumise, Jean-Luc Mélenchon (Bouches-du-Rhône).
"Il y a des signes d'espoir. Si l'on regarde le nombre d'admissions en réanimation sur la totalité du territoire national, ce chiffre se stabilise", a relevé Edouard Philippe, pointant les différences entre la situation des régions Grand Est et Ile-de-France d'une part, avec celle du reste du territoire national.
"Nous pouvons donc espérer, c'est l'indicateur principal que nous allons surveiller dans les jours qui viennent, que [globalement], le nombre d'entrées en réanimation se stabilise. Or c'est ce chiffre qui valide la stratégie de confinement et qui détermine en partie les hypothèses de déconfinement", a souligné Edouard Philippe en fin d'audition.
Interrogé sur la possibilité de recourir à des technologies de traçage numérique de l'épidémie (
backtracking, cf
dépêche du 27/03/2020 à 11:12), Edouard Philippe a confirmé que les autorités ne disposaient à ce jour pas d'instrument légal pour l'exercer, et que le gouvernement ne travaillait "pas à des instruments qui rendraient obligatoire" ce
tracking, tout en laissant ouverte l'hypothèse d'un engagement volontaire des personnes concernées.
S'agissant de la réouverture des établissements d'enseignement, pour l'instant programmée début mai, Edouard Philippe a souligné qu'il ne s'agissait que d'une "hypothèse" pour l'instant. "Nous aimerions pouvoir travailler sur cette hypothèse", a-t-il relevé, jugeant toutefois "délicat d'imaginer […] qu'on puisse faire comme si de rien n'était, et que le baccalauréat puisse se passer dans des conditions normales".
Une mission d'information aux contours inédits
La mission d'information de l'Assemblée nationale, mise sur pied peu avant le dépôt du collectif budgétaire et du projet de loi portant des mesures exceptionnelles pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, rassemble 39 députés et est présidée à titre exceptionnel par le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. Elle effectue pour l'instant ses travaux par visioconférence.
L'ensemble des présidents des commissions permanentes y participent et en sont co-rapporteurs.
Elle a organisé ses travaux en deux temps: une première phase sera consacrée à la gestion de la crise et au contrôle de l’état d’urgence sanitaire, durant laquelle le président de l’Assemblée exercera également la fonction de rapporteur général.
"La mission procèdera à l’audition de ministres et pourra demander des informations complémentaires au gouvernement et à l’administration, par échanges écrits", est-il précisé sur le site de l'Assemblée.
Au cours d'une deuxième phase, un rapporteur général sera désigné au sein du principal groupe d'opposition, Les Républicains (LR), avec un co-rapporteur issu de la majorité. La mission pourra alors demander à bénéficier, pour une durée de six mois maximum, des prérogatives d’une commission d’enquête.
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