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Deux publications suggèrent que l'hydroxychloroquine n'est pas efficace pour traiter le Covid-19

PARIS, 15 avril 2020 (APMnews) - Chez les patients atteints de Covid-19 traités par hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), l'élimination virale n'a pas été plus rapide que chez ceux ayant bénéficié d'une prise en charge standard, dans un essai randomisé, alors qu'une étude rétrospective française ne révèle aucun impact du traitement sur le risque d'admission en réanimation, selon deux publications publiées mardi sur la plateforme de "preprint" Medrxiv.
Ces résultats n'ont pas fait l'objet de validation par les pairs.
En France, l'efficacité de l'hydroxychloroquine est revendiquée par le Pr Didier Raoult (Institut hospitalo-universitaire -IHU- Méditerranée Infection de Marseille), sur la base d'études non contrôlées, largement médiatisées, rappelle-t-on (cf dépêche du 09/04/2020 à 21:55). Des personnalités du monde de la santé ont appelé à renforcer le recours à ce médicament, malgré l'absence de preuve solide de son intérêt (cf dépêche du 06/04/2020 à 10:58).
Wei Tang de la faculté de médecine Jiao Tong à Shanghai et ses collègues ont conduit un essai randomisé ouvert pour évaluer l'efficacité de l'hydroxychloroquine chez des patients atteints de Covid-19.
Le principal critère d'évaluation était le taux d'élimination virale à 28 jours de l'inclusion et 150 patients hospitalisés, présentant des symptômes légers à modérés de Covid-19, confirmé par PCR, ont été randomisés. Ils ont été randomisés en médiane 16 jours après le début des symptômes.
Les patients du groupe hydroxychloroquine en ont reçu 1.200 mg/jour pendant 3 jours puis 800 mg/jour après (deux semaines pour ceux présentant une forme légère et trois semaines pour ceux affectés par des symptômes modérés).
Dans cet essai, 28 jours après l'inclusion, le taux de négativation virale n'était pas supérieur dans le groupe hydroxychloroquine. Ces taux étaient identiques dans les deux groupes à 4 jours, 7 jours, 10 jours, 14 jours et 21 jours.
Par ailleurs, l'amélioration des symptômes n'était pas significativement différente dans les deux groupes à 28 jours.
Des analyses en sous-groupes ont été conduites pour examiner les résultats en fonction de l'âge, de l'indice de masse corporelle, de l'état de santé à l'inclusion, du délai depuis l'apparition des symptômes (plus ou moins 7 jours), du taux de lymphocytes, d'un traitement concommitant par antiviral, de la CRP initiale.
Aucune d'entre elles ne montrent de différence entre les deux groupes en termes de vitesse de négativation virale.
En revanche, chez les patients qui ne prenaient pas d'antiviral concomitamment, une amélioration plus rapide des symptômes a été observée dans le groupe hydroxychloroquine (HR=8,8).
De plus, dans le groupe hydroxychloroquine, la normalisation de la CRP de la lymphocytopénie est apparue plus rapidement. Mais cet effet n'était plus visible à 28 jours.
Le taux d'effets secondaires rapportés dans le groupe hydroxychloroquine était significativement plus important (30% versus 8,8% dans le groupe contrôle).
Aucun effet secondaire grave n'a été observé dans le groupe contrôle, contre 2 dans le groupe hydroxychloroquine: progression de la maladie et infection des voies respiratoires hautes. L'hydroxyxhloroquine a été interrompue chez un patient en raison de problèmes de vision.
Les auteurs estiment que leurs résultats contrastent avec ceux, "excellents", obtenus par l'équipe de Didier Raoult sur la suppression virale. Ils estiment que leur essai n'appuie pas le recours à l'hydroxychloroquine pour négativer la charge virale.
"On pourrait nous opposer" une mise sous traitement trop tardive (16 jours en médiane après l'apparition des symptômes) pour observer un effet sur la charge virale, mais l'analyse du sous-groupe de patients traités dans les 7 jours suivant l'apparition des symptômes n'a pas non plus révélé une négativation plus rapide dans le groupe hydroxychloroquine, commentent les auteurs.
S'agissant des antiviraux reçus concomitamment par certains patients, ils expliquent qu'aucun d'entre eux n'a prouvé la moindre efficacité pour traiter le Covid-19 et que, dans le sous-groupe de patients qui n'en avait pas reçu, la négativation virale n'était pas plus rapide dans le groupe hydroxychloroquine.
Ils estiment que l'effet observé de l'hydroxychloroquine sur la CRP et les lymphocytes suggère que le médicament pourrait limiter la réponse inflammatoire.

Pas d'intérêt apparent de l'hydroxychloroquine dans une étude rétrospective française

Matthieu Mahévas de l'hôpital Henri Mondor (AP-HP) à Créteil et ses collègues ont publié mardi sur la même plateforme une analyse rétrospective de patients hospitalisés pour Covid-19 présentant une pneumonie et sous oxygénothérapie.
Ils ont inclus 181 patients pris en charge dans quatre CHU français, parmi lesquels 84 avaient été traités par hydroxychloroquine (600 mg/jour) dans les 48 heures après leur admission et 97 n'en avaient pas reçu.
Leur critère d'évaluation principal était le transfert en réanimation ou le décès dans les 7 jours.
Ils n'ont pas constaté de différence significative entre les deux groupes selon ce critère: 20,2% des patients traités par hydroxychloroquine ont été admis en réanimation ou sont décédés versus 22,1% dans le groupe contrôle.
Le taux de mortalité à 7 jours était de 2,8% dans le groupe hydroxychloroquine, contre 4,6% dans le groupe contrôle. Cette différence n'était pas statistiquement significative. Parmi les patients ayant reçu l'hydroxychloroquine, 27,4% ont développé un syndrome de détresse respiratoire aigu dans les 7 jours, contre 24,1% dans le groupe contrôle.
Par ailleurs, 9% des patients traités par hydroxychloroquine ont présenté des modifications à l'électrocardiogramme nécessitant une interruption du médicament.
Les auteurs estiment, sur la base de ces résultats, que le recours à l'hydroxychloroquine n'est pas préconisé chez les patients atteints de Covid-19 présentant une pneumonie et hypoxiques.

Prescrire juge les résultats de la cohorte marseillaise "peu probants"

A la suite de la publication sur le site internet de l'IHU de Marseille d'un résumé des résultats de l'étude de cohorte pilotée par Didier Raoult, la revue médicale indépendante Prescrire a publié un communiqué.
Dans cette étude non comparative effectuée chez 1.061 personnes infectées par le Sars-CoV-2, la plupart avait peu ou pas de symptômes, pointe le mensuel. Elles ont toutes reçu un traitement par hydroxychloroquine et azithromycine.
"L'évolution dans les 10 jours a été le plus souvent favorable, comme c'est le cas quand les symptômes sont peu marqués, même sans traitement", souligne Prescrire. La rédaction estime que sans groupe témoin, "ces résultats ne permettent pas de valider, ni d'exclure, l'intérêt du traitement appliqué".
Lors d'une conférence de presse organisée lundi soir, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait la même analyse, estimant qu'il n'y avait à ce jour aucune preuve d'efficacité de ce médicament. L'OMS a rappelé, à cette occasion, que l'hydroxychloroquine était évaluée dans plusieurs essais randomisés internationaux en cours. Elle a cité notamment l'essai DISCOVERY.
vib/ab/APMnews

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