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Covid-19: la France pourrait recevoir les premières doses du candidat-vaccin de Moderna dès décembre

(Par Marion-Jeanne Lefebvre)
CAMBRIDGE (Massachusetts), 30 novembre 2020 (APMnews) - Si son candidat vaccin contre le Sars-Cov-2 obtenait une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle européenne avant la fin de l'année, Moderna serait en mesure de livrer immédiatement des doses aux Etats membres de l'Union européenne, a annoncé son PDG, Stéphane Bancel, dans un entretien à APMnews lundi.
Le laboratoire pharmaceutique a annoncé lundi qu'il déposerait dans la journée une demande d'AMM conditionnelle en Europe pour MRNA-1273, en même temps qu'une demande d'autorisation d'utilisation en urgence (Emergency use authorization, EUA) aux Etats-Unis (cf dépêche du 30/11/2020 à 16:31).
Aux Etats-Unis, la réunion du comité consultatif sur les vaccins et les produits biologiques connexes (Vaccines and Related Biological Products Advisory Committee, VRBPAC), qui évaluera la demande d'EUA de MRNA-1273 est prévue le 17 décembre et Stéphane Bancel anticipe une autorisation entre le 18 et le 20 décembre. "En Europe, l'approbation pourrait être potentiellement plus rapide", a-t-il fait savoir.
Un processus d'évaluation en continu (Rolling Review) a débuté en octobre. "On a déjà donné les résultats cliniques de la phase I, de la phase II et les données sur la fabrication", a indiqué le dirigeant. La Commission européenne a précommandé 80 millions de doses, et signé une option pour l'achat 80 millions de doses supplémentaires lorsque le produit sera homologué (cf dépêche du 25/11/2020 à 14:21)
Si la date d'approbation européenne était similaire à celle anticipée en aux Etats-Unis, "on serait capable d'envoyer des flacons tout de suite", a annoncé Stéphane Bancel.
"Chaque pays européen, de par le contrat européen, doit nous donner une adresse, littéralement, où on envoie les produits. Et après c'est eux qui font la répartition locale et décident quels centres hospitaliers, quelles pharmacies vont les recevoir et en quelles quantités", a-t-il détaillé. "On va leur envoyer des produits dès décembre", a-t-il annoncé, sans pouvoir dévoiler combien de doses pourront être livrées avant la fin de l'année.
Aux Etats-Unis, le laboratoire a promis la fourniture de 20 millions de doses (qui permettraient 10 millions de vaccinations) en 2020. "Ce sera une quantité moins importante en Europe parce qu'on a dû créer une chaîne de production qui a démarré de zéro, à l'automne, avec [le façonnier suisse] Lonza. Aux Etats-Unis, nous avons déjà une usine qui tourne depuis plusieurs années", a précisé Stéphane Bancel.
Le contrat avec le gouvernement américain, qui apporte un large soutien financier à la biotech, prévoit que l'ensemble des doses produites aux Etats-Unis soient réservés au pays, avait indiqué mi-novembre à APMnews le directeur médical Tal Zaks (cf dépêche du 16/11/2020 à 14:39).
"Sur la durée, on va fournir plus de doses hors Etats-Unis qu'aux Etats-Unis", a fait savoir Stéphane Bancel.

Moderna encore à la recherche de partenaires pour la production du vaccin

En Europe, la matière première est fabriquée par Lonza en Suisse et la mise en flacon est ensuite assurée sur le site de Rovi en Espagne et sur celui de Recipharm en France, en Indre-et-Loire (cf dépêche du 25/11/2020 à 10:06).
Les produits sortant du site de Monts seront destinés "à toute l'Europe et peut-être même au reste du monde, à part les Etats-Unis", a indiqué Stéphane Bancel.
Le laboratoire, qui a annoncé qu'il sera en mesure de produire 500 millions à 1 milliard de doses en 2021, estime que la production de son vaccin sera bien couverte pour le premier semestre. "On continue à discuter avec des partenaires pour la seconde moitié de 2021, car on va continuer d'augmenter la production", a expliqué le dirigeant, qui assure avoir approché des façonniers "français et européens".
Stéphane Bancel n'a pas souhaité dévoiler le prix auquel l'Europe a acheté les doses de son candidat vaccin, ni même confirmé qu'il se situait entre 25 et 37 dollars, comme il l'avait déjà annoncé.
Interrogé sur le partage de responsabilité convenu avec Bruxelles en cas d'effets secondaires graves et de poursuites judiciaires autour du vaccin, le dirigeant, qui refuse de communiquer des éléments portant spécifiquement sur le contrat européen, a répondu qu'"en général, les contrats que l'on a signés prévoient que s'il y a une faute grave et une négligence de la part de la société, elle est responsable. Sinon, on a des protections gouvernementales […]"
"Si, par exemple, Moderna avait falsifié des chiffres ou avait un mauvais test de qualité contrôle, ou n'importe quoi, bien sûr la société serait responsable. Mais si, par exemple, dans un an, on découvrait, pour des gens qui ont une maladie rare, un effet secondaire qui n'était pas anticipé par une étude clinique, effectivement nous serons aidés par les gouvernements, ou en tous cas protégés", a-t-il poursuivi.
Ce type de contrat n'est pas propre à Moderna, selon lui. "La raison est assez simple. Si on n'avait aucune protection, on attendrait deux ans avant de mettre notre produit sur le marché", a-t-il expliqué.

Une étude sur les adolescents en décembre

Les analyses des études évaluant MRNA-1273 ont jusqu'ici démontré une efficacité de 94,1% sur les cas symptomatiques du Covid-19, chez les patients âgés de plus de 18 ans (cf dépêche du 16/11/2020 à 13:51 et dépêche du 30/11/2020 à 16:31).
Stéphane Bancel a indiqué que des données supplémentaires sur l'efficacité du vaccin dans la réduction de la transmission de l'infection pourraient être disponibles "en début d'année". La durée de l'immunité apportée par le vaccin devrait pour sa part faire l'objet d'une publication dans les prochains jours. "On s'attend à avoir une très belle durée de protection, de potentiellement plus d'un an", a glissé Stéphane Bancel.
Une nouvelle étude portant sur les adolescents âgés de 11 à 17 ans devrait débuter en décembre. "L'idée serait d'avoir une extension de la notice au printemps pour que les adolescents puissent retourner en septembre 2021 à l'école, dans des conditions normales", ambitionne le PDG.
Viendra ensuite, début 2021, une étude sur les enfants plus jeunes, avec des doses plus faibles. L'évaluation d'un autre schéma posologique n'est pas non plus exclue, à l'instar d'AstraZeneca qui va débuter une étude pour confirmer l'efficacité d'une dose initiale plus faible de son candidat vaccin contre le Sars-CoV-2 (cf dépêche du 27/11/2020 à 10:06).
Dans un second temps, une fois la phase pandémique de Covid-19 terminée, Moderna aimerait proposer une forme lyophilisé de son vaccin, qui permettrait une plus grande stabilité de conservation. "Le seul challenge est que vous perdez 10% de production à cause du processus et qu'il n'y a pas assez de capacité de production sur la planète pour répondre à la demande", a expliqué Stéphane Bancel, qui a rappelé que les autres candidats vaccins à base d'ARN messager qu'il développe sont sous forme lyophilisé.
Le PDG a enfin répété que Moderna ne revendiquera pas de propriété intellectuelle sur la technologie de son candidat vaccin le temps de la pandémie afin de "s'assurer qu'aucun acteur n'hésite à investir sur un vaccin". "Ensuite, quand on entrera dans une période endémique, où on veut faire respecter notre propriété industrielle […], on s'assurera que les brevets sont payés", a-t-il indiqué.
"Celui qui voudrait continuer [à utiliser notre technologie] en période endémique, ce serait mieux pour lui qu'il vienne nous voir en période pandémique, plutôt que d'attendre la fin de la pandémie ou que nos équipes juridiques les contactent", a-t-il averti.
mjl/eh/APMnews

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