PARIS, 26 septembre 2022 (APMnews) - Les ministères de la santé et de la prévention et de l'enseignement supérieur et de la recherche ont annoncé conjointement dimanche le lancement d'une mission chargée d'accompagner la création d'une quatrième année d'internat en médecine générale dès 2023, suscitant une vive polémique chez les étudiants.
La mission, qui aura pour but "d'organiser la concertation nécessaire à l'identification des conditions de succès de cette réforme", est confiée au Pr Bach-Nga Pham, doyenne de la faculté de médecine de Reims et ancienne vice-présidente de la Conférence des doyens de médecine, au Pr Stéphane Oustric, délégué général aux données de santé et au numérique du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), au Dr Mathilde Renker, ancienne présidente de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale (Isnar-IMG), et au Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Dans leur communiqué, les deux ministères font savoir que l'ajout d'une quatrième année au diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale sera proposé au Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, "conformément aux engagements pris par le président de la République".
Lors de la présentation de son programme en mars, Emmanuel Macron avait annoncé "le déploiement de la quatrième année d'internat pour les médecins généralistes dans les zones rurales", souhaitant qu'elle soit mise à profit "pour permettre d'inciter à des semestres dans les déserts médicaux" (cf
dépêche du 18/03/2022 à 11:46).
Les deux ministères de tutelle justifient la création de quatrième année en rappelant que la médecine générale est aujourd'hui "la seule spécialité médicale à n'avoir que trois années d'internat, sans la phase de consolidation qui définit le statut dit de 'docteur junior', au cours de laquelle les futurs praticiens peuvent exercer en autonomie supervisée", ce qui est considéré "comme une faiblesse, qui ne favorise pas une installation immédiate en sortie de cursus".
"La réalisation de cette année supplémentaire de troisième cycle, réalisée en ambulatoire sous la supervision de maîtres de stages universitaires, sera encouragée dans les territoires les moins pourvus en médecins généralistes", expliquent les ministères.
"Un véritable projet pédagogique permettra, durant cette année supplémentaire d'internat, d'accompagner les futurs médecins à leur installation rapide", ajoutent-ils.
"Toutes les parties prenantes à cette réforme, dont élus, étudiants, internes, médecins, patients, administrations et enseignants seront associées à cette concertation par la mission", promettent les ministères, qui tablent sur une entrée en vigueur pour la rentrée universitaire 2023.
Alors que le PLFSS est présenté lundi en conseil des ministres, la mesure ne figurait pas dans l'avant-projet de loi issu du Conseil d'Etat, dévoilé samedi par APMnews (cf
dépêche du 24/09/2022 à 18:03). La création d'une quatrième année pour un DES relève par ailleurs du niveau réglementaire (cf
dépêche du 28/11/2016 à 13:01).
La mesure, dévoilée vendredi soir par le Journal du dimanche alors qu'au même moment, le ministre des solidarités et de la santé restait flou sur cette mesure lors de l'université d'été de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) (cf
dépêche du 23/09/2022 à 19:40), a suscité de vigoureuses réactions chez les médecins sur les réseaux sociaux, et l'hostilité des syndicats d'étudiants.
Les étudiants vent debout contre cette annonce
Dans un communiqué diffusé samedi, l'Isnar-IMG appelle "tous les internes de médecine générale", en exercice ou en devenir, à se tenir prêts pour une "mobilisation nationale".
"Nous nous opposons fermement à l'obligation de réaliser cette quatrième année en zone sous-dense, il s'agit ni plus ni moins qu'un déguisement pour une année d'exploitation supplémentaire des internes", estime le syndicat. "Il est inacceptable de faire peser les difficultés d'accès aux soins sur les internes encore en formation", ajoute-t-il.
Le syndicat salue toutefois la possibilité que les docteurs juniors exerçant en ambulatoire soient rémunérés en fonction des actes réalisés, "ce qui est une preuve que notre travail critique sur la question de la quatrième année de l'internat de médecine générale porte ses fruits".
L'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) a dénoncé lundi dans un communiqué la mesure proposée et réclamé son retrait du PLFSS.
"La méthode est intolérable. Nous dénonçons le souhait d'instaurer cette quatrième année de médecine générale à marche forcée et dans la précipitation. Un PLFSS n'est pas adapté au cadrage de mesures de formation. Les concertations doivent prendre place avant d'acter les décisions, en incluant les premiers concernés: les étudiants", écrit l'Anemf.
"Inciter à la réalisation de cette quatrième année en zones sous-denses? Inquiétant. Imposer un an de stage ambulatoire? Aberrant au vu des évolutions de la spécialité", juge le syndicat.
"Comment compenser les départs à la retraite avec la rétention d'environ 3.500 médecins pendant une année supplémentaire? Comment conserver l'attractivité d'une spécialité qui commence tout juste à combler la totalité des places ouvertes?", s'interroge-t-il.
Le syndicat MG France a jugé lundi dans un communiqué que la création d'une quatrième année pour le DES de médecine générale était un signe de reconnaissance pour cette spécialité et sa filière universitaire.
"Cette quatrième année d'internat doit être dédiée à la maîtrise de tout l'environnement professionnel, administratif et territorial du cabinet de médecine générale. Elle doit donc se dérouler dans un cabinet de médecine générale et être encadrée par des généralistes en activité selon des modalités qu'il est impératif de préciser, sans oublier des locaux adaptés et des moyens humains pour aider ces médecins", considère le syndicat.
"Sans moyens, cette quatrième année professionnalisante ne constituera qu'une coquille vide: il sera difficile de trouver 3.500 terrains de stage chaque année", ajoute-t-il.
"Penser que la quatrième année serait la solution aux problèmes de démographie médicale est une erreur. La pénurie est globale, rendant illusoire la désignation de certaines zones au détriment de ses voisines", souligne-t-il, mettant en garde contre "des décisions précipitées" risquant de "compromettre l'attractivité" de la spécialité.
La création d'une quatrième année du DES de médecine générale est évoquée depuis la mise en oeuvre du troisième cycle des études médicales en 2017. La perspective de tirer parti d'une année supplémentaire pour augmenter le nombre de stages à l'hôpital pendant leur cursus, suggérée par le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, le Pr Didier Samuel, avait suscité de vives réactions au printemps 2022 (cf
dépêche du 13/05/2022 à 11:41).
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