SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 14 septembre 2015 (APM) - La vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV) n'est pas associée à un surrisque global de maladies auto-immunes mais à un risque quadruplé de syndrome de Guillain-Barré, selon une large étude cas-témoin menée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) mise en ligne dimanche sur le site de l'ANSM.
L'ANSM et la Cnamts ont réalisé une étude pharmaco-épidémiologique sur la sécurité d'utilisation des vaccins anti-HPV commercialisés en France, le vaccin quadrivalent Gardasil* (Sanofi Pasteur-MSD), ciblant les HPV de type 6, 11, 16 et 18, et le vaccin bivalent Cervarix* (GlaxoSmithKline), dirigé contre les HPV 16 et 18.
Les résultats de cette étude ont été communiqués par les deux organismes dimanche à la suite de la publication d'un article du Journal du dimanche en révélant une partie.
L'étude a été conduite en complément du plan de gestion des risques (PGR) et du suivi national de pharmacovigilance.
Son objet spécifique était de rechercher l'existence d'une éventuelle association entre la vaccination anti-HPV et la survenue de différentes maladies auto-immunes dans une très grande cohorte de jeunes filles affiliées au régime général.
L'étude observationnelle longitudinale de type exposées/non exposées a été menée parmi les jeunes filles de 13 à 16 ans entre 2008 et 2012, identifiées et suivies à partir des données du Système national interrégime de l'assurance maladie (Sniiram) chaînées à celles du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).
Les équipes de l'ANSM et l'assurance maladie ont analysé la survenue de 14 maladies "pouvant être dues à un processus auto-immun" et identifiables dans les bases. Ils ont entre autres pris en compte les affections démyélinisantes du système nerveux central (notamment la sclérose en plaques), le syndrome de Guillain-Barré, le lupus, la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici), les thyroïdites et les pancréatites.
Les jeunes filles ont été suivies en moyenne 25 mois.
Les investigateurs ont inclus 2.256.716 filles. Un tiers a été vacciné (93% avec Gardasil* et 7% avec Cervarix*).
Lorsque les 14 maladies auto-immunes étudiées étaient prises en compte, les auteurs n'ont pas constaté d'augmentation globale du risque chez les jeunes filles vaccinées. Néanmoins, pour deux des maladies étudiées, une augmentation significative du risque est apparue.
RISQUE DE GUILLAIN-BARRE QUADRUPLE
L'analyse multivariée indique que le risque de syndrome Guillain-Barré était quadruplé chez les jeunes filles vaccinées. La différence entre les groupes vaccinées et non vaccinées était statistiquement significative.
La durée médiane du séjour à l'hôpital au cours duquel le syndrome de Guillain-Barré était diagnostiqué était en médiane de 16 jours. Dans l'étude, le risque de survenue de Guillain-Barré était maximal les trois mois suivant la vaccination (risque multiplié par 12) puis tendait à diminuer. Dans cette fenêtre, il était significativement augmenté quel que soit le nombre de doses reçues par les patientes.
Une association temporelle entre maladie infectieuse et syndrome de Guillain-Barré est souvent rencontrée. Toutefois, dans cette étude, la répartition de la prise d'antibiotiques d'antitussifs et d'antihistaminiques avant le diagnostic de Guillain-Barré n'était pas différente entre les filles vaccinées et non-vaccinées.
Des cas ou des séries de cas ont rapporté des syndromes de Guillain-Barré à la suite de l'administration de plusieurs vaccins. Ce risque figure dans l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de Gardasil*, précise l'ANSM dans son communiqué. En France, les données de pharmacovigilance indiquent 14 cas notifiés depuis la commercialisation des deux vaccins.
Très peu d'études pharmaco-épidémiologiques évaluant l'association entre la vaccination anti-HPV et les maladies auto-immunes ont inclus le syndrome de Guillain-Barré, notent les équipes de l'ANSM et de l'assurance maladie. C'est la première étude de ce type mettant en évidence ce surrisque. Il ne peut être exclu que cette association soit due au hasard. Toutefois, "la force de l'association statistique et sa robustesse au travers différentes analyses de sensibilité rendent peu probable cette éventualité", selon les auteurs.
Ce résultat ne signifie pas que tous les cas de syndrome Guillain-Barré survenant après la vaccination sont attribuables au vaccin. Dans l'hypothèse d'une relation causale, le nombre de cas attribuables aux vaccins anti-HPV est de deux cas supplémentaires pour 100.000 filles vaccinées.
L'évolution des cas de syndrome de Guillain-Barré identifiés dans l'étude a été favorable après le séjour hospitalier. En général, chez l'enfant, les taux de récupération complète sans séquelle sont estimés entre 90% et 100%.
LEGER SURRISQUE DE MICI
L'analyse fait également ressortir un léger surrisque statistiquement significatif de Mici, de 19%, chez les jeunes filles vaccinées. L'association s'avérait plus importante dans les trois premiers mois suivant la dernière dose puis tendait à diminuer.
En outre, dans leur rapport, l'ANSM et la Cnamts précisent que plusieurs mois s'écoulent, "souvent entre trois et neuf mois", entre l'apparition des symptômes et le diagnostic de Mici. Il est probable que les cas de Mici diagnostiqués au cours des premiers mois suivant la vaccination correspondent à des symptômes apparus avant l'immunisation. Cette tendance pourrait refléter une fréquence plus importante de vaccination parmi les jeunes filles ayant une Mici débutante non diagnostiquée en raison de leurs contacts répétés avec le système de soins. Les auteurs indiquent que la relation causale entre vaccination et Mici ne peut néanmoins "pas être totalement exclue". Aucun surrisque de Mici n'a été suggéré par d'autres études antérieures sur la sécurité des vaccins HPV.
L'hypothèse d'un surrisque d'affections démyélinisantes du système nerveux central (SNC), notamment de sclérose en plaques (SEP), a été écarté par cette étude.
Dans le communiqué diffusé dimanche, l'ANSM et la Cnamts jugent ces résultats "rassurants" et estiment que les bénéfices attendus de cette vaccination en termes de santé publiques restent bien plus importants que les risques auxquels elle peut exposer les jeunes filles.
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