MAISONS-ALFORT (Val-de-Marne), 5 octobre 2011 (APM) - Les asthmes professionnels associés à l'ammonium quaternaire, qui est une substance désinfectante, sont en hausse dans le secteur de la santé et de l'action sociale dans les consultations de pathologies professionnelles, selon le bilan sur près de 10 ans d'un réseau de vigilance présenté mardi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) a été mis en place en 2001. Il est coordonné par l'Anses et est soutenu par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), l'Institut de veille sanitaire (InVS), la Société française de médecine du travail (SFMT) et le CHU de Grenoble (cf dépêche du 09/10/2009 à 16:42).
Il repose sur 32 centres de consultation de pathologies professionnelles, généralement intégrés dans des CHU, qui permettent une vigilance dans la population des patients (avec évaluation de l'imputabilité de la pathologie au travail), et sur neuf services de santé au travail, qui apportent une vigilance dans la population active.
L'Anses a organisé un point presse pour présenter le premier rapport scientifique du RNV3P, qui fournit un bilan de 2001 à 2009, et en particulier les tendances observées au cours du temps pour l'asthme en relation avec le travail dans les consultations de pathologies professionnelles.
Ces asthmes professionnels sont globalement en baisse dans tous les secteurs d'activité, en particulier ceux associés à deux grands allergènes classiques, les résines époxy et les isocyanates. Cela s'explique très probablement par les mesures de prévention mises en place par exemple pour les isocyanates dans les garages automobiles avec des cabines aspirantes lors de la pulvérisation de peintures sur les carrosseries, a indiqué le Pr Christophe Paris, du CHU de Nancy.
En revanche, il y a "émergence" des asthmes liés à des produits désinfectants, comme l'ammonium quaternaire, et de manière générale des asthmes liés aux biocides, notamment dans le secteur de la santé et de l'action sociale et de manière plus diffuse dans les services aux personnes. Dans le même temps, les asthmes liés à une exposition aux désinfectants de type aldéhydes (formaldéhyde, glutaraldéhyde) ont diminué notamment dans le secteur de la santé et de l'action sociale en particulier pour les instruments de chirurgie et les endoscopes, a ajouté le spécialiste.
LA QUESTION DE LA SUBSTITUTION
Cela témoigne de la problématique de la substitution. "On a essayé de trouver des produits de substitution au formaldéhyde, qui est classé cancérogène et touche la sphère naso-sinusienne. Mais on n'a pas réglé, avec l'ammonium quaternaire, le problème des allergies respiratoires", a souligné le directeur général adjoint scientifique de l'Anses, Gérard Lasfargues.
Interrogé par l'APM, le Pr Paris a estimé que ces asthmes liés à l'ammonium quaternaire étaient plus sévères que les asthmes liés au formaldéhyde, car le formaldéhyde est tellement irritant qu'on ne supporte pas d'y être exposé longtemps, ce qui n'est pas le cas de l'ammonium quaternaire.
Il a indiqué qu'on ne pouvait cependant pas se passer des ammoniums quaternaires dans le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales mais qu'il faudrait vérifier qu'ils soient bien utilisés et peut-être revoir ses indications.
Les asthmes professionnels liés aux ammoniums quaternaires ont abouti en 2003 à une modification du tableau 66 de la reconnaissance en maladie professionnelle, est-il indiqué dans le rapport scientifique du RNV3P.
Le rapport apporte cependant une nuance sur les ammoniums quaternaires. "Si on peut conclure sans risque à une augmentation des cas en relation avec les produits de désinfection en général (biocides), la mise en cause systématique des ammoniums quaternaires peut se discuter", précise-t-il.
"Le diagnostic de l'asthme professionnel est complexe et la preuve du rôle d'une substance donnée est peu souvent fournie. (...) Pour les ammoniums quaternaires, il ne peut être écarté que les associations rapportées soient le fait uniquement d'une association systématique par les cliniciens à ce type de produit du fait d'une présence accrue, sans preuve du rôle direct de ces substances dans les cas relevés. (...) De plus, les produits de nettoyage en cause peuvent renfermer, en plus des ammoniums quaternaires, d'autres substances allergéniques comme des aldéhydes ou des biguanides ou de puissants irritants (composés chlorés, ammoniaque)", est-il indiqué dans le rapport.
BAISSE DES ASTHMES PROFESSIONNELS LIES A L'UTILISATION DE GANTS EN LATEX
Christophe Paris a également évoqué une diminution des asthmes professionnels dans le domaine de la santé liés à l'utilisation de gants en latex poudrés, grâce au remplacement de ces gants par des gants non poudrés ou à base d'autres matières plastiques.
A l'inverse, malgré une utilisation récente très importante des solutions hydro-alcooliques, il n'a pas été rapporté de cas d'asthme professionnel associés à ces produits, est-il indiqué dans le rapport du réseau.
En ce qui concerne les dermatites allergiques de contact, le RNV3P met en évidence une sur-représentation des femmes travaillant dans le secteur de la santé et de l'action sociale, leurs pathologies professionnelles de ce type dans les consultations spécialisées représentant 35% des dermatites allergiques de contact féminines pour 18% de la population active.
De manière générale, tous secteurs confondus, deux tiers des asthmes et un tiers des dermatoses allergiques en relation avec le travail vus au sein du réseau sont considérés comme indemnisables en maladie professionnelle.
Le Pr Lasfargues a donné d'autres exemples de pathologies professionnelles émergentes que le RNV3P avait détectées: les lymphomes et les leucémies liés aux produits phytosanitaires dans le secteur agricole, les lymphomes associés à certains solvants et d'autres cancers que les mésothéliomes (cancers du larynx et des ovaires) associés à l'amiante.
Pascal Jacquetin, adjoint au directeur des risques professionnels à la CNAMTS, a évoqué l'intérêt du réseau pour l'assurance maladie dans l'évolution de la reconnaissance des accidents du travail-maladies professionnelles (AT/MP), qui a par exemple permis d'établir une nomenclature pour les risques psycho-sociaux.
/vdb/so/APM
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