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Prothèses mammaires: la Société française de sénologie s'efforce de rassurer les patientes

PARIS, 20 janvier 2012 (APM) - La Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), reçue par l'Académie nationale de médecine vendredi, s'est voulue rassurante sur les prothèses mammaires et a regretté que les femmes opérées pour un cancer du sein se privent de reconstruction.
La SFSPM était invitée par l'Académie pour une séance sur la prise en charge personnalisée du cancer du sein, à l'issue de laquelle plusieurs experts ont tenu un point presse pour répondre aux questions sur les prothèses mammaires non conformes de la société Poly Implant Prothèse (PIP).
"Il n'y a aucun argument en faveur d'un sur-risque de cancer du sein", ont souligné le Dr Richard Villet (Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, Paris), président de la SFSPM et membre correspondant de l'Académie, le Dr Nathalie Bricout, chirurgien plasticien à Paris, le Dr Rémy Salmon, chef de service du département de chirurgie oncologique de l'Institut Curie (Paris), et le Dr Luc Ceugnart, radiologue au Centre Oscar Lambret à Lille.
Le problème des prothèses de la société PIP est le caractère irritant du silicone insuffisamment purifié qui a été utilisé et est inflammatoire en cas de fuite, ont-ils fait valoir. De plus, leur enveloppe étant plus fragile, ces prothèses s'usent en trois-quatre ans au lieu d'avoir une durée de vie moyenne de 10 ans, ce qui augmente le risque de fuite, a expliqué le Dr Bricout qui n'utilisait pas ces produits dans sa pratique ayant peu confiance en cet industriel qui avait déjà par le passé mis sur le marché deux produits "pas bons" ("des prothèses préremplies de sérum physiologique qui se sont rompues en trois ans et un hydrogel qui devenait liquide à 37°C").
Interrogés par l'APM sur les conséquences de l'affaire PIP pour les femmes qui ont besoin d'une reconstruction mammaire après traitement d'un cancer du sein, les experts ont reconnu que la question se posait déjà et qu'on était face à une "psychose".
En plus des femmes chez lesquelles on explante des prothèses PIP et qui ne veulent plus entendre parler d'implants mammaires, les patientes traitées pour un cancer du sein auxquelles est proposée une reconstruction sont très réticentes, ont-ils témoigné. "Elles ont peur", ont-ils rapporté.
"Les femmes sont beaucoup plus hésitantes à se faire reconstruire, notamment celles éligibles à une procédure avec reconstruction immédiate ou les femmes porteuses de mutations BRCA1/2 qui prédisposent au cancer du sein à qui l'on propose une chirurgie prophylactique. Cela complique clairement la situation. Les femmes ont peur et ne veulent pas de cette chirurgie prophylactique s'il est question d'implants mammaires", a indiqué le Dr Salmon.
Certes, on peut regretter l'absence de contrôles inopinés dans le cas de PIP qui auraient mis à jour la "tricherie" de son PDG, Jean-Claude Mas, qui s'est aussi pris pour "un savant fou" pensant qu'il pouvait faire aussi bien que les producteurs de silicone implantable, mais "il existe un fabricant français sérieux, et il est dommage que les femmes se privent d'avoir une reconstruction", a-t-elle déploré. La chirurgienne a rappelé que les implants disponibles avaient passé les contrôles du marquage CE.
"Ce n'est pas Mediator* [benfluorex, Servier] avec 2.000 morts. Il faut proposer une réintervention pour les explanter car le produit est irritant et il existe un risque inflammatoire. De toute façon, les résultats esthétiques étaient mauvais, donc on a toutes les chances de faire mieux", a-t-elle ajouté.
PAS DE PREUVE D'UN SURRISQUE DE CANCER DU SEIN
"Il n'existe pas de preuves d'un sur-risque de cancer du sein. Les cancers qui ont été décelés chez des porteuses de prothèses PIP viennent du fait qu'elles ont eu plus de mammographies et qu'à cette occasion, on a découvert des cancers", a estimé le Dr Salmon.
De même pour les lymphomes, le lien n'est pas établi, a-t-il rappelé. A l'Institut Curie où l'on prend en charge 2.000 nouveaux cas de cancer du sein par an, on recense un cas de lymphome en 30 ans, a-t-il cité.
"Les implants ont un bel avenir devant eux, quand on aura rassuré les patientes", a assuré le Dr Villet. Reste à redonner confiance, ce qui paraît difficile en période d'affaire judiciaire.
A l'Institut Curie où près de 1.000 femmes opérées pour une reconstruction mammaire après un cancer du sein ont eu des prothèses PIP, "c'est le grand désarroi". Elles sont toutes reçues immédiatement en consultation mais pour les explantations, les délais s'allongent. Ils sont actuellement de "quelques mois".
Le spécialiste a parlé de "psychose" causée par l'affaire car en 2009, quand l'institution a envoyé une lettre à toutes les porteuses de prothèses PIP pour leur proposer une consultation, seules 250 sont venues.
DAVANTAGE D'EVALUATION
Les spécialistes ont plaidé pour plus d'évaluation de ces dispositifs médicaux.
Aux Etats-Unis, un suivi obligatoire des femmes a été imposé aux fabricants après les inquiétudes qui ont conduit à suspendre l'utilisation du silicone. Les prothèses mammaires ont en effet déjà défrayé la chronique en 1995 quand des questions se sont posées sur le silicone conduisant à son interdiction jusqu'en 2001. Le risque de cancer du sein a été écarté et le risque de maladies auto-immunes a été déclaré non démontrable. Seul un risque de rétraction plus fréquent a été démontré avec le gel de silicone par rapport aux prothèses gonflables.
Cette affaire a permis d'améliorer la qualité des produits avec un gel plus purifié (avec un taux résiduel de chaînes courtes moindre et moins de catalyseur), a rappelé le Dr Bricout.
De la même façon en France, le Dr Bricout "pense qu'il faudrait un registre national des femmes porteuses d'implants mammaires (les fabricants ont la liste des patientes porteuses) afin d'avoir un suivi régulier" et des données permettant une meilleure réactivité que le système de pharmacovigilance.
Elle a déploré la lourdeur du système de déclaration de pharmacovigilance, ce qui a sans doute découragé des chirurgiens à déclarer, même si c'est une obligation légale.
Le Dr Villet a aussi fait remarquer qu'avec la politique des appels d'offres, les chirurgiens n'étaient pas décisionnaires dans le choix des modèles de dispositifs médicaux et que la course aux prix les plus bas pouvait avoir des conséquences. "Les prothèses PIP étaient les moins chères du marché", a-t-il reconnu. Le prix variait selon le marché mais c'était de l'ordre de 100 contre 300 euros la prothèse.
/sl/ab/APM

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