PARIS, 27 janvier 2012 (APM) - Les produits de comblement utilisés en médecine esthétique pour modifier le visage sont associés à de très faibles risques de complications, celles-ci étant toutefois un peu plus fréquentes pour les produits non résorbables, selon une enquête présentée vendredi au congrès international de médecine et chirurgie esthétique (Imcas) à Paris.
Ces résultats sont présentés peu de temps après que, à la suite du scandale des prothèses mammaires PIP, des médias se sont aussi interrogés sur la sécurité d'emploi des produits de comblement des rides, en soulignant que ces produits injectés sous la peau ne sont pas contrôlés comme des médicaments mais ont un statut de dispositifs médicaux, soumis seulement au marquage CE, rappelle-t-on.
L'enquête présentée au congrès, et lors d'une conférence de presse, apporte des éléments plutôt rassurants, qu'il faut toutefois prendre avec prudence. Pierre Nicolau, chirurgien esthétique à Paris, a indiqué qu'il s'agissait d'une enquête réalisée auprès de spécialistes du monde entier, à laquelle ont répondu 382 médecins, et il peut donc y avoir un biais de sélection. Cela a seulement "valeur d'information".
Les médecins qui ont répondu injectaient en moyenne 10 patients par semaine. Ils auraient donc traité environ 350.000 patients en un an. Les complications qu'ils ont décrites ont été rapportées au nombre total de patients pour établir des pourcentages. Le Dr Nicolau estime toutefois que ces pourcentages pourraient être surévalués, dans la mesure où des médecins ont pu rapporter des complications survenues sur plus d'un an.
Ils ont rapporté 146 cas de complications vasculaires. Ces complications surviendraient donc dans 0,04% des cas.
Il y avait des variations significatives dans les risques selon les produits. Alors que le risque de complications vasculaires s'établissait à près de 5 pour 1.000 pour les produits du type acrylgel ou silicone, il baissait à 1/1.000 pour le collagène et à 0,4/1.000 pour les acides hyaluronique ou polylactique.
LES PRODUITS PERMANENTS PLUS A RISQUE
"Il existe deux types de produits de comblement", a rappelé Pierre Nicolau: ceux qui n'ont qu'un effet "volumateur", et les "biostimulateurs" qui ont aussi un effet stimulant sur le collagène. De plus il y a des produits permanents et des produits résorbables. La majorité des complications observées apparaissent avec des produits permanents ou de très longue durée, a-t-il noté.
Il y a eu 362 complications inflammatoires, soit une fréquence d'environ 1/1.000, et seuls 34 cas de granulomes ont été rapportés, soit un cas pour 10.000, mais il s'agit toutefois de complications "parfois dramatiques à traiter, particulièrement quand on ne peut pas enlever le produit". Pour ces complications aussi, il y avait des variations, avec plus de risques pour la silicone et les gels acryliques et moins pour le collagène ou l'acide hyaluronique.
Ces observations montrent bien que "la médecine sans aucun risque n'existe pas", a constaté Pierre Nicolau. Mais "dans nos pratiques, le risque est extrêmement faible avec les produits que nous utilisons", a-t-il ajouté.
Pour autant, il a insisté sur la nécessité pour les praticiens de bien se former pour éviter les conduites augmentant le risque, et pour bien sélectionner les patients. Il y a aussi selon lui une éducation des patientes à faire.
Notant que les complications sont essentiellement liées aux produits de comblement permanents ou de longue durée, qui sont cependant moins utilisés désormais, il a par ailleurs regretté que le marquage CE n'oblige pas les fabricants à faire des études.
Il a noté le faible risque de l'acide hyaluronique dans son utilisation en petite quantité dans le visage, mais s'est interrogé sur les complications possibles dans l'avenir avec la pratique récente d'utiliser ce produit en plus grande quantité dans des modifications de volume des seins et des fesses.
LIPOLYSE
Plus polémique, lors de la même conférence de presse, Bernard Mole, chirurgien plastique à Paris, a déploré la décision en avril 2011 d'interdire les techniques de lipolyse -ou lyse adipocytaire-, une technique amincissante à visée esthétique qui passe par la destruction des cellules graisseuses (cf
dépêche du 11/04/2011 à 11:29).
Ce décret -qui a toutefois été suspendu par le Conseil d'Etat (
dépêche du 17/06/2011 à 19:22)- a été pris "sous la pression d'une seule personne", a-t-il affirmé... sans citer le fait qu'il y avait eu un avis de la Haute autorité de santé (HAS), note-t-on.
Alors que selon lui, une seule technique, la lipolyse hyperosmolaire, a conduit à des complications, notamment des nécroses cutanées, "on a condamné tous les procédés, sans preuve de leur dangerosité potentielle". De plus, il a rappelé que les accidents qui avaient eu lieu résultaient "de manquements élémentaires à des règles d'hygiène".
Il a toutefois reconnu ensuite que sur le plan de l'efficacité, les techniques de lipolyse étaient incertaines. "Ca peut marcher... mais pas forcément", a-t-il expliqué en regrettant que pour le moment il soit difficile de sélectionner les patientes chez lesquelles cela aurait le plus de chances de marcher. Cela a néanmoins l'avantage d'être une alternative à la chirurgie.
LASER: RISQUE DE MAUVAIS USAGE DES "HOME DEVICES"
Lors de cette longue conférence de presse du congrès de médecine et chirurgie esthétique, la moitié des communications portaient sur les questions de sécurité, les spécialistes ayant conscience que, particulièrement dans le contexte du scandale PIP, leur pratique est souvent vue sous l'angle des complications.
Outre les produits de comblements, des médecins esthétiques ont évoqué la sécurité des traitements esthétiques par laser. Ils ont affirmé qu'à partir du moment où les patientes étaient bien sélectionnées et avaient eu une bonne information, les risques de ces techniques étaient très faibles. Pour autant, ils se sont inquiétés des risques d'une mauvaise utilisation par des personnes non médecins.
Et particulièrement, Bernard Rossi, dermatologue à Rouen, a pointé la vente de "home devices", des appareils désormais vendus en grandes surfaces. Certes, ces appareils utilisés pour l'épilation ou le "rajeunissement" de la peau sont "plus petits et moins puissants" que les dispositifs des professionnels, et sont donc a priori sûrs.
Mais il y a selon lui des possibilités de mauvaise utilisation, par exemple un risque oculaire, ainsi qu'un risque lié à une méconnaissance de tâches qui sont des cancers mais ne seraient pas reconnus comme tels et donc non montrés à un médecin.
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