PARIS, 14 février 2012 (APM) - Des cardiologues strasbourgeois décrivent dans une publication le premier cas d'observation d'une altération d'une bioprothèse valvulaire chez une patiente qui prenait du benfluorex (Mediator*, Servier).
Jusqu'à présent, le benfluorex avait été associé à des atteintes des valves natives, qu'il s'agisse de la valve mitrale ou de la valve aortique.
Dans Fundamental & Clinical Pharmacology, Estelle Ayme-Dietrich et ses collègues du CHU de Strasbourg et du CH de Mulhouse décrivent le cas d'une femme qui, étant obèse, a commencé à prendre du benfluorex et a développé une insuffisance mitrale -avec un profil caractéristique des atteintes valvulaires médicamenteuses- 15 mois après. Elle avait alors été opérée pour implantation d'une bioprothèse valvulaire. L'intervention s'était bien passée et la prothèse fonctionnait.
Après l'opération, la patiente avait recommencé à prendre du benfluorex, durant deux ans et demie jusqu'à ce que le médicament soit retiré du marché.
Quelques mois après, elle a commencé à présenter une dyspnée à l'effort et parfois au repos. Il s'est avéré que cette fois c'était la valve aortique qui était touchée, mais les médecins se sont aperçus que la bioprothèse mitrale était aussi altérée. La patiente a dû être de nouveau opérée pour un double remplacement aortique et mitral.
La valve prothétique présentait une sténose liée à une hyperplasie d'une partie de la valve.
"C'est le premier cas rapporté d'altération rapide d'une bioprothèse observée durant un traitement par benfluorex", commentent les auteurs. Cela "n'a jamais été décrit auparavant et pose des questions".
En principe, une bioprothèse valvulaire, dérivée d'une valve porcine qui a été traitée, est un matériel biologique inerte, rappellent-ils. Les dégénérescences et les calcifications habituellement observées sont liées à un dépôt passif de calcium.
Mais les chercheurs rappellent aussi qu'après implantation, ces prothèses sont colonisées par des cellules souches pouvant se différencier en différents types cellulaires. Cela pourrait expliquer pourquoi la prothèse a aussi été sensible à l'effet du médicament. Le benfluorex pourrait avoir favorisé la migration ou la différenciation des cellules progénitrices dans la bioprothèse.
Mais clairement, "la similarité entre les lésions observées de la bioprothèse mitrale et les valves natives pourrait suggérer un mécanisme moléculaire similaire", concluent-ils.
Une estimation plus fine des conséquences de Mediator* en France, qui vient d'être publiée (cf
dépêche du 09/02/2012 à 16:45), fait état de 1.300 décès et 3.100 hospitalisations pour valvulopathie liées à la prise de ce médicament commercialisé comme traitement adjuvant du diabète mais aussi utilisé comme anorexigène.
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