PARIS, 4 avril 2012 (APM) - Le nombre de décès attribuables au tabac atteint 73.000, selon une nouvelle estimation fondée sur les données de mortalité en 2004, publiée dans La Revue du praticien.
Selon l'estimation de Catherine Hill, directrice du service d'épidémiologie des cancers de l'Institut Gustave Roussy (IGR, Villejuif, Val-de-Marne), 59.000 décès sont attribuables au tabac chez les hommes et 14.000 décès chez les femmes, soit, pour les 30-69 ans, 34% des décès chez les hommes et 11% chez les femmes.
L'estimation se fonde sur les données de mortalité par cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires et maladies infectieuses. Elle porte uniquement sur les fumeurs actifs et pas sur la mortalité des non-fumeurs attribuable à leur exposition au tabagisme passif. "Cette mortalité a été estimée à environ 1.100 en 2002 et a probablement diminué depuis", estime-t-elle.
La dernière estimation de 66.000 morts, publiée par Catherine Hill dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de mai 2003, s'appuyait sur les chiffres de mortalité de 1999.
La hausse s'explique essentiellement par le quasi-doublement des décès des femmes (7.400 décès attribuables estimés en 1999).
"Chez les femmes françaises, le risque de décès par cancer du poumon va dépasser le risque de décès par cancer du sein dans deux ou trois ans, une catastrophe observée aux Etats-Unis en 1987 et prévue depuis longtemps en France", remarque Catherine Hill. "Chez les hommes, on commence à voir diminuer la mortalité par cancer du poumon".
Ces estimations montrent aussi que "le tabagisme a un effet plus important sur la mortalité prématurée que sur la mortalité dans la population âgée", souligne-t-elle.
"La moitié des décès dus au tabac survient dans la population âgée de 30 à 69 ans, conduisant à une réduction de l'espérance de vie d'un fumeur de 20 à 25 ans par rapport à celle d'un non-fumeur. L'autre moitié des décès dus au tabac survient à 70 ans ou plus. Il faut donc plus de 60 ans de recul pour que l'ensemble des conséquences du tabagisme sur la santé soit évaluable", écrit-elle.
RECUL DU TABAGISME EN 2011 ?
La consommation de tabac semble avoir diminué en France en 2011, selon le tableau de bord 2011 mis en ligne la semaine dernière par l'Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT).
L'OFDT estime que la dernière hausse des prix d'octobre 2011 (+6%) semble avoir eu un effet -à la baisse- sur la consommation effective de tabac, contrairement aux hausses précédentes de novembre 2009 et novembre 2010. Il s'appuie sur les données de ventes chez les buralistes français et des observations sur les ventes et l'évolution des prix dans les pays frontaliers (Espagne, Belgique).
Mais l'observatoire note aussi que ces résultats sont en contradiction avec la hausse de la prévalence quotidienne du tabagisme observée chez les adultes (baromètre santé 2010) et chez les jeunes de 17 ans (enquête Escapad 2011).
Les ventes de tabac en France métropolitaine ont reculé de -0,7% par rapport à 2010, atteignant 64.317 tonnes. On observe une baisse des ventes de cigarettes (-1,3%, 64.108 tonnes) et une hausse du tabac à rouler (+ 5%, 7.976 t), quasi continue depuis 2004, ainsi qu'un recul des autres types de tabac (-5,5%, 2.233 t).
Dans le même temps, les ventes en pharmacie de traitements pour l'arrêt du tabac augmentent de 6,7% (2.223.606 "patients traités" contre 2.084.739 en 2010). "Cette progression est principalement due aux ventes de janvier-février, période traditionnellement favorable aux décisions d'arrêt, et de mai-juin" et l'OFDT l'attribue à la campagne télévisée lancée en mai 2011 pour "dédramatiser l'arrêt du tabac".
Les substituts nicotiniques progressent de 17,7% (2.070.542 patients traités), dont +26% pour les timbres (44% de parts de marché en 2011) et +11,3% pour les formes orales (47% de parts de marché).
En revanche, les ventes des deux médicaments sans nicotine diminuent fortement (-55,8%): -55,7% pour Champix* (varénicline, Pfizer), vraisemblablement en raison de l'interruption, fin juin 2011, du remboursement par l'assurance maladie dans le cadre du forfait de 50 euros; -33,7% pour Zyban* (bupropion, GlaxoSmithKline).
Le décompte des forfaits versés, interrompu en 2009, a repris pour 2011 (372.404, contre 336.000 en 2010) et sera désormais donné par trimestre.
Le nombre moyen de nouveaux patients par mois (14,6) dans les consultations de tabacologie est identique à celui observé en 2010 mais le délai d'attente pour un premier rendez-vous a augmenté en 2011 (15,5 jours soit deux jours de plus qu'en 2010).
(La revue du praticien, mars 2012, vol. 62, p325-329)
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