WASHINGTON, 14 mai 2018 (APMnews) - Donald Trump a présenté vendredi les grandes lignes de son plan d'action pour faire baisser les prix des médicaments de prescription aux Etats-Unis, en s'en prenant aux laboratoires et aux "intermédiaires" du secteur pharmaceutique accusés d'augmenter les prix et le reste à charge des patients américains.
Le président n'a toutefois annoncé aucune mesure immédiate et drastique sur les prix, ce qui était pourtant l'une des promesses de campagne de celui qui a critiqué à plusieurs reprises les pratiques des laboratoires, accusés d'agir "en toute impunité".
A Wall Street, les valeurs santé ont été peu affectées par les déclarations de Donald Trump et ont même enregistré une hausse de leurs cours, l'action Merck & Co terminant par exemple sur une progression de 2,8%, Pfizer de 1,3% et Lilly de 2%.
"Nous allons accroître la concurrence et réduire les obstacles réglementaires pour que les médicaments puissent arriver sur le marché plus vite et pour moins cher", a déclaré Donald Trump depuis les jardins de la Maison Blanche.
Il a affirmé que son administration allait s’attaquer aux "intermédiaires" devenus "très très riches" dans le secteur pharmaceutique, visant ainsi (mais sans les nommer) les assureurs et les gestionnaires de feuilles de soins. Il a aussi jugé que l’industrie pharmaceutique engrangeait une "fortune absolue" aux dépens des contribuables américains.
"Tous les acteurs de ce système en panne -les laboratoires pharmaceutiques, les assureurs, les distributeurs, les gestionnaires de feuilles de soins, et tant d'autres- contribuent au problème", a-t-il affirmé.
Le président a également visé les pays étrangers, qui selon lui "extorquent" des prix déraisonnablement bas aux groupes pharmaceutiques américains.
"Quand les gouvernements étrangers obtiennent des laboratoires pharmaceutiques américains des prix déraisonnablement bas, les Américains doivent payer plus pour subventionner des coûts de R&D très importants", a-t-il dit. "C'est ridicule et cela ne va pas durer", a-t-il lancé, sans donner plus de détails.
Des pistes de réforme abandonnées
Donald Trump a abandonné plusieurs pistes de réforme évoquées auparavant, notamment permettre au programme d'assurance maladie pour les patients âgés Medicare de négocier directement avec les groupes pharmaceutiques pour obtenir des tarifs plus concurrentiels.
Il avait aussi envisagé d'autoriser l'importation aux Etats-Unis de médicaments moins chers.
Les déclarations de vendredi sont moins drastiques que prévu pour l'industrie pharmaceutique, et visent essentiellement à introduire davantage de concurrence entre les laboratoires et à redistribuer les économies générées aux patients, en particulier ceux bénéficiant de Medicare.
Plusieurs voix se sont élevées pour critiquer la nouvelle position de Donald Trump vis-à-vis de l'industrie, dont le lobbying a été intense au sein de l'administration au cours des derniers mois.
"Je pense que des bouteilles de champagne très chères seront ouvertes ce soir dans les salles des conseils d'administration des groupes pharmaceutiques du pays", a commenté Elijah Cummings, élu démocrate à la Chambre des représentants.
La sénatrice démocrate Claire McCaskill a quant à elle indiqué ne pas comprendre "pourquoi le président a renoncé à son idée de laisser Medicare négocier le prix des médicaments directement, ce qui permettrait à des millions de gens de faire des économies".
Renforcement de la concurrence, achats basés sur la valeur, encadrement des remises
Pendant le discours de Donald Trump, l'administration a publié
un document précisant le plan d'action du président.
Quatre "défis" y sont identifiés: des prix faciaux élevés, des programmes fédéraux qui payent trop cher pour des médicaments en raison d'un manque d'outils de négociation, une hausse du reste à charge pour les patients, et des pays étrangers qui profitent de "l'investissement américain dans l'innovation" pharmaceutique.
Le document avance des solutions pouvant être prises immédiatement et d'autres nécessitant encore des concertations.
A court terme, l'administration Trump souhaite "promouvoir" la concurrence et l'innovation dans les médicaments biologiques. Pour renforcer les négociations sur les prix, elle propose que les programmes d'assurance maladie fédéraux expérimentent les achats de médicaments en fonction de leur "valeur".
Une augmentation de la substitution générique au sein de partie D de Medicare (remboursement des médicaments de prescription) est recommandée, ainsi qu'un renforcement des pouvoirs de négociation des administrateurs de cette même partie du programme d'assurance maladie.
Le document prévoit aussi que la Food and Drug Administration (FDA) étudiera la possibilité de demander aux laboratoires de faire figurer les prix faciaux (c'est-à-dire avant remises et ristournes) des médicaments dans les publicités.
Les prix et leur évolution seront en outre intégrés à la base de données de Medicare, ce qui permettra de mettre en avant les hausses pratiquées.
A plus long terme, l'administration veut mettre en place des mesures de restriction des remises, créer des incitations permettant de décourager les hausses de prix dans le programme Medicare, et réfléchir à des outils pour prévenir les pratiques des pays étrangers qui, selon la Maison-Blanche, nuisent à l'innovation et font grimper les prix aux Etats-Unis.
Alex Azar a indiqué que la plupart des actions ne nécessitaient pas de vote du Congrès et pouvaient être mises en oeuvre dans les prochains mois par le gouvernement. Il a toutefois prévenu que la restructuration du système prendrait des années.
Pour Sam Richardson, professeur associé d'économie au Boston College cité par Reuters, "il n'y a aucune proposition d'envergure qui va radicalement changer la donne. Il s'agit plutôt d'une poignée de petits changements techniques".
Concernant la possibilité de forcer les autres pays à augmenter les prix des médicaments, Sam Richardson a jugé que les Etats-Unis n'avaient pas vraiment de leviers politiques pour y parvenir.
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