SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 3 septembre 2018 (APMnews) - La mission sur l'amélioration de l'information sur le médicament, lancée à la suite de l'affaire Levothyrox* (lévothyroxine, Merck KGaA), propose de créer une plateforme pour améliorer la connaissance du public sur les médicaments, selon un rapport remis lundi à la ministre des solidarités et de la santé à l'occasion d'un déplacement à l'ANSM.
Cette mission a été annoncée en septembre 2017 par Agnès Buzyn, considérant que l'affaire Levothyrox* révélait en premier lieu un déficit d'information, rappelle-t-on (cf
dépêche du 06/09/2017 à 19:26). Emmenée par la responsable du plaidoyer de l’association Renaloo Magali Léo et le médecin-urgentiste Gérald Kierzek, la mission compte huit membres au total (cf
dépêche du 04/12/2017 à 12:15).
Dans son rapport, qui est daté de juin, la mission propose de créer une plateforme "Médicament info service" pour "centraliser une information aujourd’hui fragmentée et insuffisamment orientée vers ses utilisateurs", car l'un des constats récurrents des auditions a été la difficulté à s’orienter pour accéder à une information de qualité sur le médicament, même pour les professionnels de santé.
Le manque d’informations n'est pas en cause, mais deux éléments empêchent leur bonne diffusion: la "dissémination excessive de l’information existante, non contrebalancée par l’usage des moteurs de recherche" et "une présentation de l’information insuffisamment orientée vers les besoins de ses utilisateurs".
Sur le modèle d'autre plateforme (notamment Tabac info service), "Médicament info service" serait un site d’information de référence sur le médicament conçu pour répondre aux questions générales que peuvent se poser les usagers et prescripteurs. Il informerait aussi en temps réel sur les actualités "chaudes" et points de vigilance relatifs à certains médicaments particuliers, et pourrait à terme être intégré au portail unique d'information porté par le service public d’information en santé (SPIS).
Selon le rapport, "Médicament info service" devrait comporter:
- un volet d'information générale sur le médicament (composition, usage, acteurs du secteur, etc.)
- un volet d'information sur les médicaments, par pathologie, classe ou sous-classe thérapeutique, spécialité ou principe actif
- un volet interactif entre public et professionnels de santé, avec la possibilité de poser des questions et, pour les professionnels, de s'adresser à un référent dans les cas complexes
- un volet sur l'actualité, l'alerte et la vigilance, qui devrait notamment intégrer la plateforme de signalement des effets indésirables.
La mission détaille par ailleurs plusieurs mesures pour renforcer la "culture générale" du médicament du grand public via divers vecteurs d'information (dossier médical partagé -DMP-, officines, hôpitaux, programmes scolaires, etc.), mais aussi celle des professionnels de santé, en formation initiale et continue.
Elle recommande d'"identifier réglementairement" l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) comme l'autorité responsable de l'information sur le médicament et en charge de la coordination, ce qui nécessite des moyens suffisants, est-il souligné.
Avertir "le plus tôt possible"
Une longue partie du rapport est consacrée à l'amélioration de l'information "tout au long de la vie d'un produit", notamment en ce qui concerne les informations réglementaires. La mission regrette que les efforts récents quant à la lisibilité et à la publicité de ces informations "demeurent avant tout [mis en oeuvre] en vue de satisfaire à des obligations ou de se protéger en matière médico-légale".
La mission "estime au contraire nécessaire de faire de ces 'jalons réglementaires' de la vie d’un produit l’occasion de produire une information utile à destination des professionnels et des usagers". Il est donc recommandé de rendre plus lisible l'information jointe au médicament et d'homogénéiser ces informations (notamment concernant les pictogrammes d'avertissement).
Au-delà, il est conseillé que l'ANSM informe "le plus tôt possible" les associations d’usagers et les sociétés savantes concernées par un médicament de toute décision ou projet de décision les concernant, et qu'elle réserve à des "sujets ciblés" la communication hors crise. La mission juge aussi nécessaire que toute autorité sanitaire diffusant une information "l’assume clairement" et évite les courriers à double en-tête (notamment avec le logo de l'industriel).
Informer au moment de la prescription
Le volet de la communication entre professionnels de santé et patients est aussi abordé par le rapport, notamment au moment de la consultation. "Le colloque entre le patient et le médecin devrait être le moment privilégié de l’information du patient", est-il souligné.
Parmi les outils qui permettraient d'améliorer l'information, le rapport cite le développement d'outils d'aide à la pratique (comme des fiches-réflexe ou un glossaire à destination des prescripteurs pour décoder un résumé des caractéristiques du produit -RCP).
La possibilité d'imposer une indication sur l'ordonnance en cas d'initiation ou d'arrêt de traitement, facilitant la vérification de l'ordonnance par le pharmacien, est suggérée, de même que la création d'une "consultation thérapeutique renforcée" pour certains traitements. Lors de la dispensation, il est recommandé d'amplifier les bilans de médication ou d'imposer la remise d’un document d’information lors de la première délivrance d’un traitement long.
Un dernier axe est consacré à la collaboration entre professionnels de santé et associations pour le suivi des médicaments en vie réelle, et vise notamment à simplifier les remontées de terrain et développer l’utilisation des bases médico-administratives pour l’information en vie réelle sur le médicament.
Améliorer la transparence
Un volet du rapport est consacré au renforcement de la transparence. "Il y a des personnes que l’on croit sur parole, et d’autres parties prenantes qui resteront, par construction, soupçonnées de véhiculer des informations partielles ou partiales. Les citoyens doivent également avoir confiance dans la capacité de l’administration à communiquer toute l’information fondant ses décisions", est-il indiqué.
La mission recommande de renforcer à la fois la transparence des procédures relatives au médicament et d’adopter diverses mesures pour positionner adéquatement les acteurs du secteur. Sur le premier point, un meilleur accès aux données et la présence de membres d'associations d'usagers, notamment au Comité économique des produits de santé (CEPS) (ce qui est un serpent de mer ces dernières années) (cf
dépêche du 30/06/2017 à 14:50), sont conseillées.
Il devrait aussi être attendu des industriels une meilleure "transparence sur les pratiques autorisées", en particulier en matière d'information aux professionnels de santé et de visite médicale, sans toutefois modifier les règles actuelles (notamment sur l'interdiction de communication sur les médicaments envers les patients).
Une application plus "'effective" du "Sunshine Act à la française" (cf
dépêche du 30/12/2016 à 11:55), qui prévoit une transparence des avantages et conventions accordés par les industriels, est aussi prônée.
Dans son rapport, la mission estime que la communication des autorités lors de l'affaire Levothyrox* a été "artisanale" (cf
dépêche du 03/09/2018 à 06:02) et propose de créer une cellule d'alerte "Vigimédicament" pour coordonner les outils d'anticipation, de veille et de crise (cf
dépêche du 03/09/2018 à 06:01).
yb/gb/APMnews