SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 15 octobre 2018 (APMnews) - La Haute autorité de santé (HAS) a rendu publique lundi la nouvelle version de la doctrine de la commission de la transparence (CT).
Le document de 23 pages est intitulé "Doctrine de la commission de la transparence. Principes d'évaluation de la CT relatifs aux médicaments en vue de leur accès au remboursement".
La doctrine de la CT a été posée par écrit pour la première fois dans le rapport annuel 2011 de la HAS, publié en octobre 2012, rappelle-t-on (cf
dépêche du 03/10/2012 à 11:00). Elle tenait alors en 9 pages. Depuis, son existence a été régulièrement rappelée dans les rapports annuels de l'autorité administrative indépendante.
Dans l'introduction du nouveau document, le président de la CT, Christian Thuillez, explique que la doctrine "est destinée à donner des repères et de la visibilité sur les principaux critères d'évaluation des médicaments en vue d'une recommandation sur leur prise en charge par la collectivité".
"Basée sur des critères médico-scientifiques, elle doit s'adapter à l'augmentation des demandes d'évaluation en situation d'incertitude importante, à la prise en compte de l'innovation, à l'évolution de la méthodologie des essais cliniques et à la prise en compte du mode de prise en charge des patients et des parcours de soins", poursuit-il.
Christian Thuillez indique que la CT "a souhaité préciser sa méthodologie et actualiser sa doctrine avec un souci de reproductibilité, de lisibilité et d'équité".
"Les principales évolutions méritant d'être prises en compte" portent sur six points:
- l'explicitation des déterminants de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) et des éléments relatifs à la prédictibilité ainsi que l'élargissement des conditions d'éligibilité à l'ASMR
- l'évaluation de l'innovation et la gestion de l'incertitude grâce notamment à la prise en compte des critères intermédiaires
- les éléments de prédictibilité du service médical rendu (SMR) et notamment du SMR insuffisant
- la définition de l'intérêt de santé publique (ISP) et des critères permettant de l'apprécier
- la prise en compte des données de qualité de vie et des données de vie réelle
- la prise en compte de la perspective des patients.
Sur ce dernier point, aucun passage de la doctrine n'est toutefois consacré à la prise en compte par la CT des contributions des associations de patients, note-t-on.
Concernant l'ASMR, la CT rappelle que son appréciation ne relève pas de critères réglementaires mais "d'une appréciation globale du progrès apporté par le médicament par rapport aux stratégies existantes". Elle détaille trois critères auxquels est portée "une attention particulière".
Il s'agit de "la qualité de la démonstration" (comparaison, choix des comparateurs, qualité méthodologique de l'étude, adéquation entre population incluse et celle de l'indication, pertinence du critère de jugement clinique et sa significativité...); "la quantité d'effet en termes d'efficacité clinique, qualité de vie et tolérance"; "la pertinence clinique" de cet effet par rapport aux comparateurs cliniquement pertinents.
Il est précisé qu'un "comparateur cliniquement pertinent" peut être un médicament (avec ou sans autorisation de mise sur le marché [AMM]), un dispositif médical, un acte "ou toute autre thérapie non médicamenteuse".
Une comparaison directe "réalisée dans le cadre d'un essai randomisé en double aveugle est attendue, dès lors qu'elle est possible". L'absence d'une telle comparaison doit être "justifiée par l'industriel". Si la CT estime qu'elle était possible, cela peut conduire à une note d'ASMR V (inexistante). Une comparaison indirecte "peut être prise en compte" à condition qu'elle soit réalisée "sur des bases méthodologiques définies et validées".
La critère de jugement principal doit être "un critère clinique pertinent dès lors qu'il est possible de le retenir". Un critère de substitution (biomarqueur) est possible "sous réserve que le lien avec un critère clinique de morbi-mortalité ait été démontré dans la maladie concernée". Un critère intermédiaire "peut être pris en compte dans l'appréciation de l'ASMR".
Pas de corrélation entre quantité d'effet et ASMR
La CT explique que la pertinence clinique de l'effet supplémentaire d'un médicament par rapport à son comparateur "est appréciée au cas par cas en fonction du contexte médical. [Elle] ne souhaite pas prédéfinir de seuils de pertinence ni les corréler systématiquement à des niveaux d'ASMR, considérant que cette appréciation dépend du contexte de l'évaluation" (tolérance, besoin médical couvert ou non).
Une description est données des différents niveaux d'ASMR: I (majeur) pour les "situations de bouleversement thérapeutique ([médicament] qui sauve ou change la vie des patients atteints d'une maladie grave) pour lesquelles tous les déterminants de l'ASMR sont jugés satisfaisants par la CT"; II (important) et III (modéré) pour "qualifier la valeur clinique ajoutée, selon son intensité, la qualité de la démonstration et la sévérité de la maladie ou du symptôme; IV (mineur) pour "un progrès thérapeutique de faible ampleur par rapport à l'existant".
Une ASMR V sanctionne une démonstration fondée sur la non-infériorité, un générique, un biosimilaire ou un complément de gamme. "En l'absence d'alternative thérapeutique ou lorsque les alternatives sont limitées, l'ASMR V peut aussi traduire un défaut ou une incertitude liés au choix du comparateur, à la qualité de la démonstration, à la quantité d'effet ou à sa pertinence clinique qui ne relèveraient pas d'un SMR insuffisant", ajoute la CT.
Définition d'une innovation
La commission consacre trois paragraphes à l'"évaluation de l'innovation". Cette dernière est caractérisée par "la nouveauté d'un mécanisme d'action dans l'indication concernée" et "l'existence d'un besoin médical insuffisamment couvert" et "la réponse au besoin médical grâce à une efficacité supplémentaire démontrée et cliniquement pertinente pour les patients".
Un nouveau médicament constitue une innovation "dès lors qu'il sauve ou change la vie des patients atteints d'une maladie grave ou évolutive dans un contexte de besoin médical non couvert", écrit la CT.
La commission rappelle les déterminants du SMR (inscrits dans le code de la sécurité sociale), revenant plus particulièrement sur la place dans la stratégie thérapeutique et l'ISP. Sur la première, elle signale qu'il s'agit "également d'un vecteur de valorisation d'un médicament, notamment dans les situations où la qualité de la démonstration et la quantité d'effet ne permettent pas de valoriser l'ASMR".
Un médicament présente un ISP "lorsqu'il rend un service à la collectivité, soit parce qu'il contribue à améliorer notablement l'état de santé de la (ou d'une) population, soit parce qu'il répond à un besoin de santé publique, soit parce qu'il permet de réduire la consommation de ressources".
La CT liste les facteurs pouvant conduire à un SMR insuffisant. "Un SMR insuffisant ne signifie pas qu’aucun patient ne peut tirer de bénéfice de ce médicament; néanmoins, à l’échelon collectif et au regard des alternatives, ce médicament ne présente pas un intérêt médical suffisant pour que la solidarité nationale y contribue financièrement", rappelle-t-elle.
Concernant les SMR suffisants (ouvrant la voie à une prise en charge par l'assurance maladie), elle ne détaille par les caractéristiques des différents seuils mais évoque l'appréciation du SMR en cas d'incertitudes importantes. Elle explique que, dans ce cas et dans l'attente de données nouvelles, "un SMR pourra être attribué dans les situations où l'absence de remboursement au regard des données préliminaires est susceptible d'entraîner une perte de chance pour les patients".
La doctrine revient sur la possibilité pour la CT de demander des études en vie réelle sachant que "l'étude clinique randomisée reste le schéma de référence pour démontrer l'efficacité d'un médicament". Les études réclamées sont destinées à répondre à une incertitude ou des questions sur l'intérêt clinique d'une spécialité, sa place dans la stratégie thérapeutique, son éventuel mésusage et les conséquences de sa commercialisation sur la santé de la population à court ou long terme.
Les données obtenues "peuvent contribuer à une valorisation ou au maintien du SMR ou de l'ASMR et apportent généralement des informations cruciales pour recommander les modalités de bon usage des médicaments".
Aucune précision n'est apportée sur les conséquences de l'absence de remise dans les délais des études commandées (échéance dans un délai maximal de cinq ans).
Le document se termine par des focus sur plusieurs points: améliorations des conditions de soins (une innovation galénique, par exemple, peut être valorisée dans l'ASMR "lorsqu'une modification majeure [...] est démontrée ou attendue par la CT"), associations fixes de médicaments déjà disponibles isolément (il s'agit d'un progrès "si une conséquence clinique significative en termes d'efficacité, d'observance ou de tolérance est démontrée"), associations médicament-dispositif médical ou acte (l'évaluation du DM ou de l'acte est effectuée par la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé [Cnedimts] et/ou le collège de la HAS, parallèlement à celle du médicament).
Sur le cas particulier des tests compagnons pour les thérapies ciblées, la CT rappelle l'existence d'un guide méthodologique (cf
dépêche du 07/04/2014 à 18:44). Sur ces thérapies, elle indique que ses exigences sont "communes à l'ensemble des médicaments et leur évaluation repose sur les mêmes critères [...]. Le fait d'être une thérapie ciblée n'octroie pas
de facto une recommandation favorable au remboursement".
eh/nc/APMnews