PARIS, 29 octobre 2018 (APMnews) - Les députés ont rénové vendredi soir le cadre applicable aux autorisations temporaires d'utilisation (ATU) de médicaments, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.
L'examen du PLFSS en première lecture à l'Assemblée nationale en séance publique s'est achevé dans la nuit de vendredi à samedi. Le vote solennel sur l'ensemble du texte est prévu mardi, avant sa transmission au Sénat.
L’article 42, particulièrement touffu et complexe, procède à un ensemble de modifications sur la prise en charge des médicaments et des dispositifs médicaux.
Il ouvre notamment les ATU aux extensions d'indication, et plus seulement aux premières indications en développement (cf
dépêche du 25/09/2018 à 12:56).
Cette mesure, pensée en particulier pour les immunothérapies anticancéreuses, dont les extensions en développement se montrent souvent prometteuses, doit permettre d'accélérer l'accès précoce à l'innovation. Elle avait été annoncée à l'occasion de la réunion du Conseil stratégique des industries de santé (Csis) de juillet (cf
dépêche du 10/07/2018 à 12:24).
La mise en place de la prise en charge précoce sera possible "dès lors qu’un codage systématique des indications aura lieu pour [une] molécule, et sous réserve d’un recueil exhaustif de données cliniques pour l’ensemble des patients traités", est-il indiqué dans l’étude d’impact.
En cas de prise en charge d'une nouvelle indication dans le cadre d'une ATU, un arrêté des ministres pourra modifier les conditions de dispensation de spécialités déjà prises en charge au titre d'une autorisation de mise sur le marché (AMM).
Cela doit permettre à des médicaments déjà dispensés en ville (car disposant d’une AMM pour une première indication) de faire l'objet d'une dispensation uniquement par les pharmacies hospitalières suite à une extension d’indication en accès précoce, "pour des raisons de sécurité sanitaire et de suivi des patients traités", explique le rapporteur général, Olivier Véran (LREM, Isère), dans son rapport.
Elargissement du post-ATU
L'article 42 crée aussi une voie dérogatoire permettant un accès direct à la période de post-ATU pour les médicaments qui n'auraient pas bénéficié du système d'ATU avant l'octroi de leur AMM.
Il permet aux ministres d’autoriser l’accès précoce d’un produit qui n’aurait pas reçu une ATU avant l’octroi de son AMM, mais qui en remplirait toutes les conditions (médicament innovant dans des situations graves, en l’absence d’alternative thérapeutique, et dont l’efficacité et la sécurité d’emploi sont établies).
"L’obligation de dépôt d’une demande d’un accès précoce selon un calendrier relativement contraint, en amont de l’octroi d’une AMM, n’apparaît en effet pas toujours pertinente pour les patients", explique le gouvernement dans l’étude d’impact.
L'article autorise donc la prise en charge temporaire de ces médicaments par l'assurance maladie, décidée par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS). Les députés ont adopté un amendement, avec avis favorable du gouvernement, de Jean-Carles Grelier (LR, Sarthe), intégrant les industriels au processus, en prévoyant qu'ils devront être à l'origine de la demande de prise en charge.
"L’élargissement du système d’accès précoce conduit à faire évoluer les conditions de fixation de prix de ces médicaments", avec la création d’un prix temporaire confidentiel désigné sous le terme de "compensation". Cette dernière sera fixée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale "à partir des règles générales de fixation des prix et lorsque cela sera pertinent des références conventionnelles existantes", est-il indiqué dans l’étude d’impact.
Actuellement, pour les ATU, c'est l'industriel qui fixe librement le prix (appelé "indemnité"), avec une remise rétroactive à l'assurance maladie de la différence si le prix finalement obtenu auprès du Comité économique des produits de santé (CEPS) est inférieur.
Avec le prix temporaire, "le principe actuellement en vigueur demeurera et le prix net finalement négocié avec le CEPS sera appliqué rétroactivement sur la période d’accès précoce", explique le gouvernement. Le mécanisme du prix temporaire est valable pour les extensions d'indication sous ATU et pour le nouvel accès précoce sans ATU.
L’article 42 intègre une simplification du mode de calcul du remboursement rétroactif par l’industriel, calculé actuellement par rapport au prix net de référence du médicament, net des remises conventionnelles qui pourraient être dues sur les trois années à venir. La période de projection des volumes de vente sera ramenée de trois à un an, afin de "permettre aux partenaires conventionnels de disposer d’une souplesse d’application".
Les députés ont approuvé un amendement du gouvernement visant à préciser la clause de plafonnement provisoire des produits sous ATU lorsqu’un prix n’a pas encore été négocié avec le CEPS, qui se déclenche lorsque le produit dépasse 30 millions € de chiffre d’affaires. Pour les produits déjà tarifés par le CEPS et bénéficiant d’une ATU en extension d’indication, l’amendement permet que le seuil de 30 millions soit apprécié uniquement sur les indications faisant l’objet d’une ATU.
"Dans tous les cas, le principe reste celui du paiement in fine réalisé selon le prix net négocié avec le CEPS”, explique le gouvernement dans l’exposé des motifs.
Un accès précoce pour les dispositifs médicaux
L’article 42 introduit aussi un dispositif d’accès précoce pour les dispositifs médicaux, calqué sur celui de l’ATU/post-ATU des médicaments.
La commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) de la HAS sera chargée de rendre "un premier avis rapide" validant un tel accès précoce si le dispositif est innovant, indiqué dans une maladie grave (mettant en jeu le pronostic vital) sans alternative thérapeutique, et dont l’efficacité et la sécurité sont établies par les études cliniques fournies.
Les ministres fixeront alors un tarif temporaire net "au regard des règles usuelles de fixation des tarifs (appliquées aux tarifs nets), et lorsque cela est pertinent, des références conventionnelles existantes", prévoit l’étude d’impact, tandis que l’industriel fixera librement le prix facial, comme pour le mécanisme d’ATU.
A l’issue de l’évaluation complète par la Cnedimts et de la négociation tarifaire avec le CEPS, le paiement de l’industriel serait "ajusté au niveau du tarif négocié sur la période d’accès précoce", induisant un versement complémentaire à l’industriel le cas échéant, précise l’exécutif dans l’étude d’impact.
Un engagement de "continuité de traitement"
L'article 42 intègre une série de dispositions pour éviter les abus, et inscrit dans la loi un engagement des laboratoires à assurer une "continuité" des traitements initiés pendant la durée de la prise en charge de l'ATU ou de l'accès précoce sans ATU, puis pendant au moins un an à compter de l'arrêt de la prise en charge.
Lorsque l’admission au remboursement du médicament anciennement sous ATU ou post-ATU ne concerne que les établissements de santé, le laboratoire doit garantir l’achat de son produit pour les continuités de traitement à un prix qui n’excède pas -le cas échéant après application de remises à l’hôpital- le prix de référence fixé par le CEPS lors de la sortie du dispositif transitoire, explique Olivier Véran dans son rapport.
Ce point ne s'applique pas en cas d'arrêt de commercialisation pour "des raisons sérieuses relatives à la sécurité des patients", et le délai d'un an est ramené à 45 jours lorsque l'indication concernée fait l'objet d'un refus de remboursement.
Dans la période de continuité de traitement, les éventuelles conditions de prise en charge fixées par le CEPS s'appliquent.
En cas de manquement à cette continuité de traitement, le CEPS pourra prononcer une pénalité financière dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Son montant ne pourra pas excéder 30% du chiffre d’affaires hors taxes (HT) réalisé en France par l’entreprise au titre de la spécialité concernée, durant les 24 mois précédant la constatation du manquement.
L'entrée en vigueur de ces dispositions est programmée au 1er mars 2019.
vg/gb/APMnews