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Pénuries de médicaments: les acteurs de la chaîne favorables à une amélioration de l'information

(Par Guillaume BIETRY)
PARIS, 1er avril 2019 (APMnews) - Les différent acteurs de la chaîne du médicament, réunis dimanche lors d'une conférence organisée dans le cadre du salon PharmagoraPlus, se sont tous dits favorables à une amélioration de l'information sur les tensions et ruptures de stock, notamment via le DP-Ruptures.
La question des pénuries fait l'objet d'une attention particulière depuis quelques années, poussant le gouvernement à définir, en 2016, une liste de "médicaments d'intérêt thérapeutique majeur" faisant l'objet, depuis janvier 2017, de plans de gestion de pénurie à la charge des industriels (cf dépêche du 22/07/2016 à 11:27 et dépêche du 02/08/2016 à 10:46).
La situation est toutefois loin de s'améliorer, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rapportant en 2017 une hausse de 33% des signalements de ruptures de stocks et tensions d'approvisionnement.
Le secrétaire d'Etat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Adrien Taquet, a annoncé en février 2019 à l'Assemblée nationale qu'un plan d'action "devrait être annoncé prochainement" (cf dépêche du 19/02/2019 à 15:14), sur la base des propositions publiées en octobre 2018 par une mission d'information du Sénat (cf dépêche du 02/10/2018 à 13:19).
Lors de la conférence, Thomas Borel, directeur scientifique du Leem (Les entreprises du médicament), a rappelé que l'organisation professionnelle a rendu public en février un plan d'action en six axes, comprenant notamment la création d'une liste de médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique (MISS) (cf dépêche du 19/02/2019 à 09:30).
Ces produits feraient l'objet de plan de gestion de pénurie renforcé, avec un stock de sécurité mobilisable en France ou en Europe, un partage plus précoce des informations concernant le suivi des stocks, une identification systématique des fournisseurs tout au long de la chaîne et la mise en place de protocoles de remplacement.
La liste des MISS serait plus sélective que celle des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), qui représentent 40% de la pharmacopée française vs 15% à 20% pour les MISS, a indiqué Thomas Borel.
Le délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), Emmanuel Déchin, s'est montré favorable à cette liste restreinte de médicaments essentiels, tout en appelant à la mise en oeuvre des mesures "pragmatiques" pour réduire les problèmes de pénuries.
Il a souligné que les grossistes-répartiteurs, parfois accusés de privilégier les exportations et donc de causer des pénuries dans l'Hexagone, étaient "au premier rang des acteurs qui sont là pour limiter voire éviter, quand c'est possible, l'impact des ruptures d'approvisionnement".

Grossistes-répartiteurs et dépositaires en soutien

Les répartiteurs ont notamment comme obligation de service public de disposer d'un stock garantissant deux semaines d’approvisionnement de leur clientèle habituelle. "C'est déjà mieux que rien. On a un stock de sécurité de 15 jours qui permet d'éviter que la situation soit encore pire que ce qu'elle est", a jugé Emmanuel Déchin.
Selon lui, les répartiteurs ne reçoivent que 85% des unités qu'ils commandent aux laboratoires pharmaceutiques mais ils parviennent à livrer 95% des quantités commandées par les officines. "On divise donc pas trois l'impact des ruptures", a-t-il avancé.
Le président de la Fédération nationale des dépositaires pharmaceutiques LOG Santé, Jean-François Fusco, a lui aussi vanté les atouts des dépositaires face aux ruptures de stock, en prenant l'exemple d'un anti-épileptique non identifié.
Ce produit, qui disposait du statut de MITM et pour lequel aucune alternative n'était disponible, a connu une rupture sur le marché français. Un dépositaire a obtenu l'autorisation de l'ANSM de faire venir des Pays-Bas un médicament ayant le même principe actif mais pas le même dosage, de contingenter les importations, modifier le conditionnement et répondre aux besoins sur le territoire de façon "équitable".
"C'est un modèle réussi, dans lequel dans une seule main, sur un seul site, avec tout un ensemble d'autorisations pharmaceutiques, nous sommes parvenus faire revenir sur le marché une solution transitoire dans un temps très court", a observé Jean-François Fusco.
Il a par ailleurs appelé à un meilleur partage de l'information sur les ruptures en cours ou à venir, afin que les dépositaires puissent s'organiser lorsqu'ils disposent dans leurs entrepôts de stocks de produits alternatifs, qui vont forcément être impactés.
"Il faut que je prévois des ressources, que j'ai des gens formés pour traiter les commandes, que je prévois les réapprovisionnements...", a-t-il pointé.

Mieux structurer l'information

Pierre Bruguière, pour l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), et Fabrice Camaioni, pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), ont quant à eux demandé davantage de "transparence" et de "visibilité" sur les ruptures.
"Il faut savoir si c'est une petite ou une grande rupture. Si c'est une petite rupture, je peux par exemple voir avec le patient s'il a assez de stock chez lui. Si c'est plus long, alors il faudra trouver une autre solution et prévenir le médecin", a relaté Fabrice Camaioni.
En réponse, Thomas Borel a reconnu qu'"une information partagée plus structurée est quelque chose qui ne pourra que servir", même si "cela ne va pas régler le problème de rupture".
Alain Delgutte, pharmacien dans la Nièvre et président de la section A du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), a rappelé que les officinaux pouvaient faire des déclarations de ruptures via l'application du dossier pharmaceutique (DP) baptisée DP-Ruptures.
Si le laboratoire a contracté avec l'ordre, le déclarant a en retour accès à quelques informations (date de retour prévue et médicaments alternatifs par exemple).
Des alertes sur les approvisionnement sont aussi envoyées par les autorités via le service DP-Alertes.
"Cela permet d'anticiper la rupture et de rappeler le médecin avant que le patient ne revienne à la pharmacie" mais aussi d'éviter le stress des patients et de déranger plusieurs fois de suite le médecin, a indiqué Alain Delgutte.

Un DP-Ruptures encore limité

Pour Thomas Borel, le DP-Ruptures, qui a été généralisé en février 2015, fonctionne plutôt bien mais reste limité, notamment car l'ensemble des industriels n'y sont pas raccordés. "Le secteur doit se porter très volontaire sur le sujet", a-t-il considéré.
Il a souligné l'importance de "mieux qualifier" l'information, demandant aux laboratoires de faire figurer, lorsqu'ils le peuvent, des données sur "le taux de recouvrement" de la rupture.
Emmanuel Déchin a quant à lui demandé à ce que les grossistes-répartiteurs puissent accéder au DP-Ruptures, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et les empêche de s'organiser en cas de problème. "La qualification de l'information est un point clé: durée prévisible de rupture, date de retour sur le marché, etc.", a-t-il jugé.
Alain Delgutte a reconnu que DP-Ruptures pourrait aller plus loin dans l'information disponible. Il a ajouté que l'ordre réfléchissait à intégrer une fonctionnalité permettant de demander automatiquement des dépannages aux laboratoires, sans passer par un appel téléphonique.
Il a aussi noté que la plateforme n'avait pas été intégrée dans tous les logiciels de gestion de l'officine (LGO) (deux tiers des officines équipées actuellement).
Enfin, il a rappelé que dans le cadre du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, les députés avaient autorisé en première lecture le pharmacien d'officine à substituer un MITM concerné par une rupture d'approvisionnement, sur la base de recommandations établies par l'ANSM (cf dépêche du 14/03/2019 à 13:13).
"On formalise ce qu'on fait tous les jours au comptoir sans filet juridique", s'est félicité Fabrice Camaioni. Pour Thomas Borel, cette protocolisation des alternatives thérapeutiques pourrait être intégrée dans les plans de gestion de pénurie et être réalisée pour l'ensemble des MITM.
gb/san/APMnews

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