SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 8 juillet 2019 (APMnews) - La commission d'évaluation économique et de santé publique (Ceesp) a adressé plusieurs critiques au dossier soumis par Bristol-Myers Squibb (BMS) pour une extension d'indication d'Opdivo* (nivolumab) dans le traitement adjuvant du mélanome, dans un avis d'efficience daté d'avril mis en ligne la semaine dernière sur le site de la Haute autorité de santé (HAS).
L'immunothérapie anti-PD-1 Opdivo* a obtenu une extension d'indication en juillet 2018 pour une utilisation en monothérapie dans le traitement adjuvant des patients adultes atteints d’un mélanome avec atteinte des ganglions lymphatiques ou une maladie métastatique, et ayant subi une résection complète, rappelle-t-on.
BMS a revendiqué un service médical rendu (SMR) important et une amélioration du SMR modérée (ASMR III) par rapport au traitement historique par interféron, ce qui correspond à ce qui a été accordé par la commission de la transparence (CT) dans un avis rendu en décembre 2018.
L'évaluation médico-économique réalisée par le laboratoire pharmaceutique a abouti, après "échange technique" avec la Ceesp, à un ratio différentiel coût-résultat (RDCR) de 34.620 euros par année de vie gagnée ajustée sur la qualité de vie (QALY) par rapport à l'interféron à faible dose.
Ce calcul a toutefois été invalidé par la commission en raison de deux réserves majeures (auxquelles s'ajoutent six réserves importantes) qui empêchent de démontrer l'efficience du médicament.
D'une part, elle estime que "le choix d'un modèle d'aire sous la courbe n’est pas adapté à l’objectif de l’évaluation portant sur un traitement adjuvant dont l’impact sur la survie globale n’est pas observable directement dans les essais cliniques et impose donc le recours à un modèle prédictif. Le choix de ce modèle n’a pas été correctement justifié et son impact n’a pas été évalué".
D'autre part, elle souligne que "l'hypothèse de risque proportionnel pour le pembrolizumab [Keytruda*, MSD, homologué en décembre 2018 en adjuvant dans le mélanome, NDLR] n’est pas validée (les courbes log-cumulés de risques se croisent). Le choix retenu n’est donc pas méthodologiquement recevable et n’a pas été justifié".
La Ceesp critique également l'analyse d'impact budgétaire soumise par BMS, relevant "la présentation insuffisante de la méthode d’estimation des durées de traitement, dont l’impact n’est pas suffisamment exploré en analyse de sensibilité" et "l'absence d’analyses de sensibilité sur les paramètres relatifs aux traitements dont l’arrivée est concomitante (parts de marché, durée de traitement, prix)".
Dans ses conclusions, la commission souligne que "la prise en compte des traitements dont l'arrivée est concomitante au produit évalué [Keytruda* et l'association de Novartis Mekinist* (tramétinib) + Tafinlar* (dabrafénib) en cas de mutation BRAF V600, NDLR] répond bien aux enjeux de l'évaluation de l'efficience dans l'indication".
Mais cette intégration nécessite de prendre en compte:
- "l’incertitude qui entoure l’estimation des effets relatifs des immunothérapies entre elles dans les choix retenus en analyse de référence et leur justification
- l’impact de la variation de paramètres susceptibles d’avoir un impact sur les résultats tel que les coûts d’acquisition du traitement évalué, mais également de ceux dont l’arrivée est concomitante dans les analyses de sensibilité
- l’importance de produire des analyses en sous-populations robustes compte tenu de l’impact du statut mutationnel BRAF dans la prise en charge".
Elle note que "l'absence de modélisation suffisante des séquences de traitements prenant en compte les récidives génère une incertitude non quantifiable alors que c'est un déterminant de l'efficience d'un traitement adjuvant dans la stratégie de prise en charge du mélanome en vie réelle".
La Ceesp achève sa conclusion par un paragraphe portant sur l'analyse d'impact budgétaire, rendu illisible par le caviardage opéré par BMS!
Elle indique par ailleurs qu'elle attend des données complémentaires sur la survie globale, sur les séquences de traitement en vie réelle et sur la qualité de vie des patients.
eh/nc/APMnews