PARIS, SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 16 décembre 2019 (APMnews) - Sur la base d'une recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) d'élargir la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) aux garçons avec Gardasil* 9 (MSD), le ministère chargé de la santé a indiqué vouloir une mise en oeuvre de cette vaccination universelle d'ici l'été 2020.
La HAS a confirmé cette recommandation lundi, après l'avoir soumise à consultation publique pendant un mois (cf
dépêche du 30/10/2019 à 11:00). Elle préconise la vaccination de tous les enfants de 11-14 ans avec deux doses de Gardasil* 9, un rattrapage possible avec 3 doses jusqu’à 19 ans et le maintien de la possibilité de vacciner les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) jusqu’à 26 ans.
Dans un communiqué publié lundi, le ministère des solidarités et de la santé indique souhaiter que cette recommandation "soit intégrée dans le calendrier des vaccinations 2020 pour une mise en oeuvre d’ici l’été".
La HAS reprend les principaux arguments exposés dans son projet de recommandation.
Elle rappelle que la couverture vaccinale reste insuffisante en France. Elle était de 24% en 2018 chez les jeunes filles de 16 ans pour deux doses, contre un objectif de 60% en 2019 fixé par le plan cancer 2014-2019. Cette vaccination est actuellement recommandée pour les jeunes filles de 11 à 14 ans (et jusqu'à 19 ans révolus dans le cadre d'un rattrapage), les HSH jusqu'à 26 ans et les immunodéprimés jusqu'à 19 ans.
La HAS a identifié plusieurs raisons à cet échec, notamment la médiatisation de possibles cas d'évènements indésirables, l'absence de programme de vaccination, la référence à la vie sexuelle des jeunes filles avant même son début et la formation insuffisante des médecins généralistes.
Une étude conduite par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'assurance maladie avait mis en évidence un sur-risque de syndrome de Guillain-Barré et de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (cf
dépêche du 14/09/2015 à 12:10). Ces effets indésirables ont été investigués et n'ont pas été corroborés par des études comparables menées dans plusieurs pays, explique la HAS.
La France n'ayant pas atteint les objectifs de couverture qu'elle s'était fixés depuis 10 ans, "il apparaît désormais nécessaire de réviser la politique vaccinale actuelle", selon l'agence.
Ce sont les femmes qui sont principalement touchées par les cancers induits par les HPV, avec environ 4.580 nouveaux cas par an de cancers de l'utérus, de la vulve, du vagin, de l'anus et oropharyngé. Chez les hommes, en France, le nombre de cancers associés aux infections HPV est estimé à 1.750.
L'efficacité des vaccins est démontrée pour la prévention des condylomes ano-génitaux et des lésions pré-cancéreuses et cancéreuses de l'anus chez l'homme, en revanche pour les cancers oropharyngés, pour lesquels il n'existe pas de lésions précancéreuses, le recul reste insuffisant pour évaluer l'efficacité du vaccin.
Sous réserve d’une couverture vaccinale suffisante, la vaccination des garçons permettrait "de freiner la transmission au sein de la population générale, et ainsi de mieux protéger les garçons et les hommes quelle que soit leur orientation sexuelle, mais aussi de mieux protéger les filles et les femmes non vaccinées", fait valoir la HAS. La haute autorité souligne l'intérêt de "simplifier la proposition vaccinale pour les professionnels de santé, surtout à un âge où l’orientation sexuelle n’est pas encore connue ou affirmée".
Plus efficace d'augmenter la couverture vaccinale chez les filles
La stratégie la plus coût-efficace est l'augmentation de la couverture vaccinale des filles et non l'élargissement de la vaccination aux garçons. Aux Etats-Unis, l'élargissement de la vaccination aux garçons n'a pas eu d'impact significatif sur la couverture vaccinale des filles et la couverture vaccinale des garçons est restée inférieure à celle des filles.
La mesure de l'efficience de cette mesure de vaccination universelle en France n'a pas été réalisée. Elle aurait nécessité un an de travaux supplémentaires, ce qui était incompatible avec les délais d'évaluation souhaités par le ministère chargé de la santé, plaide la HAS.
Les études médico-économiques montrent que cet élargissement de la vaccination aux garçons n'est pas coût-efficace dans les pays où la couverture vaccinale des filles est importante. Toutefois, la faible couverture vaccinale en France, inférieure à 30%, augmente le ratio coût-efficacité de la vaccination des garçons.
Pour favoriser l'efficience de cette stratégie, "une révision du prix actuel du vaccin serait opportune", pointe la HAS.
MSD a conduit une étude d'efficience selon laquelle, au prix actuel de Gardasil* 9, le ratio différentiel coût-résultat de la vaccination universelle en France était inférieure à 50.000 euros par année de vie pondérée par la qualité de vie. "Mais ce modèle ne permet pas à lui seul de déterminer si la vaccination chez le garçon est coût-efficace en France", selon la HAS qui estime qu'un modèle indépendant aurait été "utile".
Afin d'améliorer la couverture vaccinale, la HAS préconise de mettre en oeuvre de "réels programmes de vaccination", de "restaurer la confiance du public et des professionnels de santé", ainsi qu'un "accès facilité" avec "prise en charge à 100% [...] dans des lieux multiples" et des "conditions permettant l'absence d'avance de frais".
Dans son communiqué, le ministère évoque les expérimentations régionales, conduites en Guyane et en région Grand Est, pour augmenter la couverture vaccinale (cf
dépêche du 29/05/2019 à 12:52).
vib/ab/APMnews