WASHINGTON, 10 février 2020 (APMnews) - Une possible transmission nosocomiale du nouveau coronavirus 2019-nCoV semble avoir été à l'origine de l'infection chez 41% des patients hospitalisés en janvier dans un hôpital de Wuhan en Chine, selon une étude rétrospective publiée vendredi dans le JAMA.
Depuis l'émergence de l'épidémie liée au 2019-nCoV à Wuhan fin 2019, plus de 40.000 cas et 900 décès ont été recensés dans le monde, essentiellement en Chine. En France, 11 cas d'infection ont été rapportés à ce jour (cf
dépêche du 10/02/2020 à 01:00).
Ici, Dawei Wang du Zhongnan Hospital of Wuhan University et ses collègues décrivent les caractéristiques cliniques de 138 patients consécutifs hospitalisés entre le 1er et le 28 janvier à l'hôpital Zhongnan de Wuhan et diagnostiqués avec une pneumonie à nouveau coronavirus 2019-nCoV.
Les patients hospitalisés étaient âgés de 22 à 92 ans avec une médiane à 56 ans, et il s'agissait d'hommes dans 54% des cas. Ils souffraient d'une ou plusieurs pathologies chroniques dans 46% des cas (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, cancer...). Les symptômes les plus fréquents étaient de la fièvre (99%), de la fatigue (70%), une toux sèche (59%), une myalgie (35%) et une dyspnée (31%). Dans 10% des cas, les patients avaient souffert de diarrhées et de nausées un à deux jours avant l'apparition de la fièvre et de la dyspnée.
La durée médiane entre les premiers symptômes et la dyspnée était de 5 jours, avec 2 jours supplémentaires avant l'hospitalisation.
Une lymphopénie est survenue chez 70% des patients, tandis qu'une élévation du temps de prothrombine et une hausse de la lactate déshydrogénase ont été constatées chez respectivement 58% et 40% des patients.
La plupart des patients ont reçu une thérapie antivirale par oseltamivir (90% des cas) et beaucoup ont bénéficié d'un traitement antibiotique (moxifloxacine, ceftriaxone et azithromycine dans respectivement 64%, 25% et 18% des cas) et de glucocorticoïdes (45%).
Une possible transmission nosocomiale du virus a été observée chez 57 patients sur 138 (41%), parmi lesquels 17 étaient des patients hospitalisés pour d'autres raisons (dans les services de chirurgie, de médecine interne ou d'oncologie) et 40 étaient des professionnels de santé.
Les chercheurs rapportent qu'un des patients, qui s'était présenté avec des symptômes abdominaux et avait été admis en chirurgie, semble avoir été à l'origine de la contamination de 10 soignants dans ce service. Il aurait aussi transmis le virus à au moins 4 autres patients du service, qui ont tous développé des symptômes abdominaux atypiques.
Les auteurs pointent que leurs données suggèrent une transmission interhumaine rapide du 2019-nCoV, et estiment que les symptômes atypiques observés aux premiers stades de la maladie chez certains patients infectés pourraient être impliqués dans cette transmission rapide. Ils rappellent à ce titre qu'une étude récente a mis en évidence la présence du virus dans les selles de patients présentant des symptômes abdominaux.
Néanmoins, si de nombreux médias ont évoqué l'hypothèse d'une transmission fécale du 2019-nCoV, cette étude n'en fait pas la démonstration.
Une hospitalisation de 10 jours en médiane pour les patients sortis
Parmi les 138 patients, 36 (26%) ont été transférés en soins intensifs en raison de complications, notamment un syndrome respiratoire aigu sévère (61%), une arythmie (44%) ou un choc (31%). La durée médiane entre les premiers symptômes et le syndrome respiratoire aigu sévère était de 8 jours. Les patients ont bénéficié d'une oxygénothérapie à haut débit (11% des cas), d'une aide respiratoire non invasive (42%) ou invasive (47%).
Les patients pris en charge en soins intensifs étaient plus âgés que les autres (66 ans en médiane, contre 51 ans), étaient davantage sujets à des pathologies sous-jacentes (72% contre 37%) ainsi qu'à une dyspnée (64% contre 20%) et à une anorexie (67% contre 30%).
Au 3 février, 47 patients (34%) étaient sortis de l'hôpital (après un séjour de 10 jours en médiane) et 6 patients (tous en soins intensifs) étaient décédés, soit un taux de mortalité de 4,3%.
Par ailleurs, les caractéristiques épidémiologiques et cliniques de patients hospitalisés en dehors de Wuhan ont également fait l'objet d'une publication vendredi dans le JAMA, par De Chang (Chinese PLA General Hospital à Pékin) et ses collègues. Ils ont collecté les données de 13 patients hospitalisés entre le 16 et le 29 janvier dans 3 hôpitaux pékinois.
Ces patients étaient âgés de 34 ans en médiane, et deux d'entre eux étaient des enfants (2 ans et 15 ans). La part d'hommes était de 77% (10 patients sur 13).
Douze patients sur 13 ont présenté de la fièvre avant l'hospitalisation, pendant 1,6 jour en moyenne. Les symptômes incluaient de la toux (46%), une congestion des voies respiratoires supérieures (62%), une myalgie (23%) et des céphalées (23%). Le patient âgé de 2 ans a présenté une fièvre intermittente pendant une semaine et une toux persistante pendant 13 jours avant la pose du diagnostic.
Au 4 février, tous les patients étaient guéris mais 12 d'entre eux étaient toujours maintenus en quarantaine à l'hôpital.
Les auteurs soulignent que la plupart des patients infectés étaient des adultes en bonne santé, et que seuls deux patients avaient plus de 50 ans ou moins de 5 ans. Ils estiment que ce profil de patients pourrait davantage être lié au fait que les personnes très jeunes ou âgées voyagent moins que les autres, plutôt qu'à une moindre vulnérabilité.
(JAMA, publications en ligne du 7 février)
sb/ab/APMnews