AMSTERDAM, 18 mars 2020 (APMnews) - L'Agence européenne du médicament (EMA) a affirmé mercredi dans un communiqué que les patients souffrant de douleur et de fièvre dans le contexte de Covid-19 pouvaient utiliser des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que l'ibuprofène, contredisant les consignes diffusées par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, et les autorités sanitaires françaises.
Olivier Véran a affirmé samedi dans un tweet que la prise d'anti-inflammatoires, dont l'ibuprofène et la cortisone, pourrait être un facteur d'aggravation de l'infection par le Covid-19 et que, dans ce contexte, le paracétamol est recommandé en cas de fièvre et de douleur (cf
dépêche du 14/03/2020 à 18:49).
Dans une publication LinkedIn postée le même jour, le directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon, a également considéré que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dont l'ibuprofène fait partie, étaient à "proscrire" en cas de douleur dans le cadre du Covid-19 "ou de toute autre virose respiratoire".
Or, selon l'EMA, il n'y a, à ce jour, "pas de preuve scientifique établissant un lien entre l'ibuprofène et l'aggravation de Covid-19". "Au démarrage d'un traitement contre la fièvre ou la douleur dans Covid-19, les patients et les professionnels de santé doivent considérer tous les traitements disponibles, dont le paracétamol et les AINS", a-t-elle déclaré.
L'agence dit "surveiller la situation de près" et évaluera "toute nouvelle information qui sortirait sur ce sujet dans ce contexte de pandémie".
Elle a rappelé que le comité d'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) a entamé en mai 2019 une réévaluation des AINS, dont l'ibuprofène et le kétroprofène, à la suite d'une enquête de l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui a suggéré qu'une infection due à la varicelle, ainsi que certaines infections bactériennes pourraient être aggravées par ces médicaments. "Les informations figurant sur de nombreux AINS contiennent déjà des avertissements selon lesquels leurs effets anti-inflammatoires peuvent masquer les symptômes d'une aggravation de l'infection", a constaté l'agence. "Le PRAC examine toutes les données disponibles pour voir si des mesures supplémentaires sont nécessaires", a-t-elle fait savoir.
Concernant le Covid-19, l'EMA a souligné la nécessité de "mener des études épidémiologiques en temps opportun afin de fournir des preuves suffisantes de tout effet des AINS sur le pronostic du développement de la maladie". Elle affirme "tendre la main aux parties prenantes" et être prête à "soutenir activement ces études, qui pourraient être utiles pour orienter toute future recommandation de traitement".
Dans son post LinkedIn, Jérôme Salomon avait indiqué que "des évènements indésirables graves liés à l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été signalés chez des patients atteints de Covid-19, cas possibles ou confirmés". Les détails et le nombre de ces cas n'ont pas été communiqués par la DGS.
Cette contre-indication de l'ibuprofène s'appuie également sur les résultats d'une enquête de pharmacovigilance, menée en 2018 par les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) de Tours et Marseille. Elle avait conclu que les AINS ibuprofène et kétoprofène, utilisés en traitement de la fièvre ou de douleurs, sont associés à un risque de complications infectieuses graves. Ce message avait l'objet d'une communication de l'ANSM en avril 2019 (cf
dépêche du 18/04/2019 à 16:34).
La consigne des autorités sanitaires françaises avait déjà été contesté par Reckitt-Benckiser, qui commercialise notamment Nurofen* (ibuprofène). Il a indiqué lundi dans un communiqué qu'il n'existait à sa connaissance aucune preuve que la prise d'ibuprofène ait un effet négatif sur les patients souffrant de Covid-19 (cf
dépêche du 16/03/2020 à 16:11).
mjl/eh/APMnews