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Covid-19: prudence de Dominique Martin sur l'interprétation des alertes de pharmacovigilance

(Par Virginie BAGOUET et Raphaël MOREAUX)
SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 20 avril 2020 (APMnews) - Le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Dominique Martin, a incité à la prudence sur l'interprétation des alertes de pharmacovigilance actuellement remontées sur les traitements utilisés dans le Covid-19, dans entretien à APMnews vendredi.
Pour rappel, deux enquêtes sur les effets indésirables des traitements du Covid-19 sont en cours depuis fin mars: une première, pilotée par le centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Dijon, sur l'ensemble des déclarations, et une seconde, réalisée par le CRPV de Nice, spécifiquement sur les effets cardiovasculaires.
L'ANSM a fait état le 10 avril d'une centaine d'effets indésirables déclarés, se répartissant pour moitié entre l'association anti-VIH lopinavir + ritonavir (Kaletra*, AbbVie, et ses génériques), et l'hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi), seule ou en association. Concernant les effets cardiaques, 4 cas de décès par mort subite liés à l'hydroxychloroquine ont été signalés (cf dépêche du 10/04/2020 à 18:27).
Interrogé par APMnews, Dominique Martin a rappelé la "valeur faiblement représentative de ces données de pharmacovigilance en raison de la sous-notification". "Seules des données pharmaco-épidémiologiques rétrospectives permettront une analyse quantitative raisonnable", a-t-il poursuivi.
Il a ajouté qu'il n'était ni utile ni pertinent de tirer des conclusions sur le pourcentage des alertes liées à chaque produit, du fait du faible nombre de déclarations. Si les alertes se partagent pour moitié entre les deux médicaments, "il ne s'agit que d'une proportion globale qui donne une tendance, une impression des choses, mais il est difficile d'aller plus dans le détail", a-t-il appuyé.
Il a expliqué ne pas être inquiet à ce stade. L'ensemble des remontées de pharmacovigilance viennent d'établissements de santé, aucune n'est issue des professionnels de ville, et de "rares" alertes ont commencé à arriver sur les traitements pris dans le cadre des essais cliniques, mais elles sont encore "en cours d'analyse".

Une demande de Plaquenil* supérieure de 30% à la normale

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de prise de ces traitements en ville, et notamment de l'hydroxychloroquine. Le directeur général reconnaît des pratiques d'autoprescription et d'automédication hors du cadre fixé par décret (cf dépêche du 27/03/2020 à 10:20) "dont on ne connaît pas l'ampleur", notamment car l'automédication peut être liée à des stocks de Plaquenil* ou de chloroquine déjà présents chez les patients avant l'épidémie, ou à des ventes interdites sur internet.
Il a toutefois confirmé une hausse des ventes de Plaquenil* en ville "jusqu'à quatre fois plus que la normale", constatée par les officines fin mars (cf dépêche du 24/03/2020 à 15:10). Le détail des chiffres fournis par l'ANSM à APMnews font état de 12.000 boîtes vendues par jour la semaine du 14 au 23 mars, contre 3.000 unités au début du mois.
La demande a ralenti début avril, mais reste 30% supérieure à la normale, avec 4.000 boîtes vendues par jour.
"Il y a eu une sorte d'engouement qui est retombé assez vite", a jugé Dominique Martin, pointant le décalage entre la forte présence du produit dans le débat public et sa réelle utilisation.
Dans les indications du médicament correspondant à son autorisation de mise sur le marché (AMM), soit la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et les lucites, les ventes habituelles sont de l'ordre d'une centaine de milliers de boîtes par mois.
Le directeur général de l'ANSM a reconnu qu'il y avait eu, au début de la crise, des tensions sur l'approvisionnement en Plaquenil* des patients chroniques hors Covid-19, mais a assuré qu'elles étaient restées "purement périphériques et locales" et qu'il n'y avait plus de risque de rupture pour ces patients.

Efficacité des messages de prévention

En matière de pharmacovigilance, l'agence n'a pas reçu d'alerte sur d'autres produits à ce stade, y compris sur Rivotril* (clonazépam, Roche), anticonvulsivant de la famille des benzodiazépines dont l'utilisation hors AMM a été autorisée, en substitution du midazolam (autre benzodiazépine), dans la prise en charge de la dyspnée ou de la prise en charge palliative de la détresse respiratoire (cf dépêche du 30/03/2020 à 15:05).
"Nous suivons cette spécialité mais il est encore un peu tôt pour avoir des données sur son utilisation, élargie récemment", a noté Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM, également présente lors de l'entretien avec APMnews vendredi.
De la même façon, l'agence a alerté à titre préventif sur les réactions allergiques croisées possibles entre la pholcodine présente dans des sirops antitussifs et les curares utilisés dans les service d'anesthésie et de réanimation (cf dépêche du 17/04/2020 à 15:35), m'a n'a pas eu d'alerte de pharmacovigilance sur ce point dans le contexte du Covid-19.
Dominique Martin a aussi relevé l'importance des informations préventives diffusées par les pouvoirs publics, jugeant qu'elles "fonctionnent bien". Il s'attend notamment à une "chute absolument massive" de l'utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l'ibuprofène, et la cortisone.
Le directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon, et le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, ont averti mi-mars que ces produits pourraient être un facteur d'aggravation de l'infection par Covid-19, mais ont été contredits quelques jours plus tard par l'Agence européenne du médicament (EMA), rappelle-t-on (cf dépêche du 14/03/2020 à 18:49 et dépêche du 18/03/2020 à 13:53).
rm-vib/eh/APMnews

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