PARIS, 23 décembre 2020 (APMnews) - La revue Prescrire a estimé mercredi dans un communiqué que "comme avec tout nouveau médicament", beaucoup d'incertitudes entourent encore le vaccin à ARN messager anti-Sars-CoV-2 de Pfizer et BioNtech, Comirnaty* (ex-BNT162b2).
La campagne de vaccination avec ce produit doit débuter dimanche en France dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), auprès des résidents et des personnels à risque accru de forme grave de la maladie.
Selon la revue, le nom en dénomination commune internationale (DCI) du vaccin est tozinaméran. Cette information apparaît sur le site de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais pas dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP), note-t-on.
Prescrire, qui a étudié les données fournies ces dernières semaines par les deux laboratoires (cf
dépêche du 09/12/2020 à 18:46 et
dépêche du 10/12/2020 à 18:21), estime qu'"à court terme", la forte diminution de nombre de cas de Covid-19 symptomatiques a été confirmée biologiquement, y compris chez les personnes ayant au moins un facteur de risque de développer une infection grave.
Le mensuel souligne toutefois plusieurs incertitudes. D'abord, selon lui, lors de l'étude, les personnes responsables de la réception des vaccins, de la préparation des doses et de l'injection savaient s'il s'agissait du placebo ou du vaccin. "Cela a rendu possible une divulgation de cette information à des personnes censées ne pas la connaître (investigateurs et participants)", a indiqué Prescrire.
"Il est aussi possible que certains participants aient deviné quel produit leur était injecté compte tenu des effets indésirables locaux ou systémiques très fréquents du vaccin", poursuit la revue.
Ces incertitudes "diminuent le niveau de preuves des résultats" estime-t-elle.
Ensuite, si le nombre de cas de Covid-19 confirmés biologiquement a fait apparaître un effet préventif du vaccin, Prescrire souligne que chez les patients ayant eu une infection au Sars-CoV-2 avant l'essai, "le nombre de cas de Covid-19 a été très faible, sans différence entre les personnes vaccinées et celles du groupe placebo".
La rédaction note aussi que, durant l'essai, une personne du groupe vaccin a eu une forme sévère vs 9 personnes dans le groupe placebo "soit une réduction relative du risque de forme sévère de 89%, mais avec un intervalle de confiance à 95 % (IC95) allant de 20% à 100%". "Cet intervalle de confiance très large reflète une grande incertitude quant à la précision de ce résultat, en lien notamment avec le faible nombre de cas rapportés", a-t-elle commenté.
"Chez les personnes âgées entre 65 ans et 74 ans, l'efficacité a été calculée à environ 93%, mais avec une plus grande marge d'incertitude (IC95: 53% à 100%)" que par rapport aux plus jeunes, a aussi constaté le mensuel.
L'essai n'a "pas été conçu pour évaluer l'efficacité" chez les plus de 75 ans
De plus, chez les personnes âgées de 75 ans ou plus, "il n'y a pas eu de cas de maladie Covid‑19 dans le groupe vaccin (sur 805 personnes) versus 5 cas dans le groupe placebo (sur 812 personnes)". "L'intervalle de confiance à 95% de la réduction relative du risque est très large : ‑12,1 % à 100 %", a-t-il calculé. " Ce résultat montre que cet essai n'a pas été conçu pour évaluer l'efficacité du vaccin chez les personnes âgées de 75 ans ou plus", en conclut-il.
Parmi les autres incertitudes, Prescrire point le "faible recul d'utilisation" sur les vaccins à ARN messager. "La présence de polyéthylène glycol (PEG) expose à des réactions d'hypersensibilité et à des réactions anaphylactiques", avance le mensuel.
Il alerte également sur les effets indésirables locaux et systémiques "très fréquents", avec des réactions au site d'injection chez environ 75% des personnes vaccinées vs 12% dans le groupe placebo et des réactions systémiques chez 65% des participants vaccinés (vs 40% dans le groupe placebo).
"La durée médiane des réactions systémiques a été de 1 jour. Les réactions systémiques ont été parfois intenses, au point de contraindre les personnes à limiter fortement leurs activités quotidiennes", a-t-il relevé.
"Il n'a pas été mis en évidence de signal particulier, mais il subsiste encore de nombreuses inconnues inhérentes au faible recul d'utilisation, comme avec n'importe quel autre nouveau médicament, vaccin ou autre, en particulier chez les personnes âgées de plus de 75 ans", conclut la revue, selon laquelle ces explications sont à fournir "à tous, en prenant le temps nécessaires, y compris avec les personnes qui auront des difficultés à les percevoir et à les comprendre".
"Il est utile de donner aux personnes concernées le temps de la réflexion avant qu'elles ne prennent une décision, dans un sens ou dans un autre", recommande la revue.
mjl/eh/APMnews