PARIS, 4 janvier 2021 (APMnews) - La présidente du collège de la Haute autorité de santé (HAS), Dominique Le Guludec, a exclu l'éventualité d'espacer au-delà de ce qui est prévu dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) l'administration des deux doses de vaccins anti-Sars-CoV-2 afin de mener une campagne plus large, en raison du manque de données sur l'efficacité de ce nouveau schéma posologique, lundi lors d'une interview sur RMC et BFMTV.
Ce choix a été fait par les autorités britanniques pour les vaccins développés par Pfizer et BioNTech, Comirnaty*, et AstraZeneca avec l'Université d'Oxford, AZD1222. Alors que le RCP prévoit un espacement de respectivement 21 jours et 28 jours entre l'administration des deux doses, le comité mixte sur la vaccination et l'immunisation, qui regroupe les agences sanitaires britanniques, a recommandé que les deux doses puissent être administrées jusqu'à 12 semaines d'écart (cf
dépêche du 31/12/2020 à 12:42).
Selon le comité britannique, le "haut niveau de protection offert par la première dose suggère qu'administrer la dose initiale du vaccin à un plus grand nombre de personnes préviendra plus de décès et d'hospitalisation que de vacciner moins de personnes avec deux doses". Il affirme aussi qu'administrer la deuxième dose avec retard n'affectera pas le niveau de protection.
Interrogée sur la possibilité de recommander la même chose en France, Dominique le Guludec a répondu que "tout le monde regarde" cette possibilité mais a estimé qu'"un schéma de vaccination, ça se pense, ça se prouve". "On ne vaccine pas au petit bonheur la chance", a-t-elle ajouté.
"On attend des données, on espère en avoir". "Si demain, en faisant une dose et en reculant la deuxième, on baisse à 50% d'efficacité, il faut calculer, regarder si on a vraiment bénéfice à le faire […] Mais on n'en sait rien", a-t-elle développé.
"Si on vaccine les gens et que, en retardant de trois-quatre mois la deuxième dose, l'efficacité vaccinale est réduite drastiquement, ou si la durée de protection est réduite, et qu'il faut revacciner tout le monde dans six mois, vous pensez qu'on aura gagné au change ?", a-t-elle interrogé. "Il faut un minimum d'informations avant de changer une stratégie. En France, on administre des produits de santé aux gens quand on a des données sur ces produits de santé".
"On est responsable de donner un avis sur les choix français, nous pensons qu'il faut un minimum de données ou de réflexion collective avant de changer une stratégie vaccinale", a aussi justifié Dominique le Guludec.
"Sur la gestion de la crise, je ne sais pas si j'irais prendre des exemples aux Etats-Unis et en Angleterre", a glissé la dirigeante, estimant que "chaque pays fait ses choix".
La présidente a par ailleurs rappelé que "nous ne savons pas si le vaccin protège" de la transmission du virus et a défendu la stratégie française de vacciner d'abord les personnes les plus à risque. "Un tiers des décès [liés au Covid-19] sont dans les Ehpad [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes]" et 9 sur 10 concernent des personnes âgés de plus de 65 ans, a-t-elle souligné à plusieurs reprises. "Si on vaccine beaucoup mais pas les bons, on va mettre des mois à diminuer les hospitalisations et les décès", a-t-elle considéré.
"On doit vacciner vite ceux qui en ont le plus besoin, les autres viendront après", a-t-elle affirmé.
Le vaccin de Moderna attendu cette semaine
Le vaccin de Moderna "devrait arriver cette semaine" et la HAS se prononcera "dans la semaine" après la décision de la Commission européenne sur l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit. "C'est vrai que notre habitude était d'obtenir du consensus, d'être plus lent. On a totalement changé nos méthodes, tout en gardant la rigueur scientifique", a-t-elle affirmé.
Le comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l'Agence européenne du médicament (EMA) devrait se prononcer mercredi, rappelle-t-on.
Dominique le Guludec a souligné que "le Moderna sera plus facile" à administrer en ville que le produit de Pfizer et BioNTech, du fait de conditions de conservation moins contraignantes.
AstraZeneca et l'université d'Oxford, dont le vaccin contre le Sars-CoV-2 est autorisé au Royaume-Uni (cf
dépêche du 30/12/2020 à 09:26), n'ont pas encore rendu l'ensemble des données sur leur vaccin. "Il est très difficile de planifier un avis, tant que le laboratoire n'a pas répondu aux questions absolument indispensables aux Français sur la sécurité, sur l'efficacité dans toutes les populations concernées", a expliqué la présidente de la HAS.
Les Britanniques "sont dans une situation tellement catastrophique qu'ils ont décidé de s'affranchir d'un certain nombre d'étapes. Nous ne le faisons pas parce que nous considérons en France que nous préférons attendre 15 jours de plus s'il le faut mais avoir toutes les données sur l'efficacité et la sécurité", a-t-elle indiqué.
La dirigeante s'est enfin dite favorable à ce que les pharmaciens administrent des vaccins contre le Covid-19 "très vite".
mjl/eh/APMnews