SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 19 juillet 2021 (APMnews - Les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) ont mis en évidence un "signal potentiel" de polyarthrite rhumatoïde après administration des vaccins à ARN messager Comirnaty* (Pfizer/BioNTech) et Spikevax* (Moderna), selon les rapports mis en ligne vendredi par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Les centres régionaux de pharmacovigilance de Bordeaux, Marseille, Strasbourg et Toulouse ont analysé les événements déclarés entre le 28 mai et le 1er juillet après administration de Comirnaty*. Entre le 27 décembre 2020 et le 1er juillet 2021, plus de 42,5 millions de doses ont été administrées et près de 31.400 événements indésirables rapportés, dont près de 8.700 cas graves et plus de 4.000 considérés comme "d'intérêt particulier".
Les CRPV ont traité séparément les cas déclarés après vaccination des personnes de moins de 18 ans. Ils rapportent notamment quatre cas de myocardite, rétablie ou en cours de rétablissement et deux de péricardite.
Tous âges confondus, 42 nouveaux cas de myocardite ont été signalés sur la période d'analyse, plus un autre via la procédure dite des cas marquants, ce qui porte le total à 65 cas depuis la mise en place de la surveillance.
Parmi les 64 cas de myocardite analysés, deux tiers sont survenus après la première dose et, en moyenne, les personnes atteintes avaient 45 ans. Dans les trois quarts des cas, une évolution "favorable" est documentée.
Les CRPV analysent 41 cas pour lesquels la fraction d'éjection cardiaque était renseignée. Dans quatre cas, celle-ci était inférieure ou égale à 40% et les pharmacovigilants décrivent le cas d'une personne qui ne présentait pas de facteur de risque d'atteinte myocardite sévère. Il s'agit d'une personne de 35-40 ans, atteinte de fièvre 10 jours après la première injection et qui, deux jours plus tard, a souffert de douleurs thoraciques et de diarrhées puis d'une asthénie "intense". Lors de son arrivée aux urgences, elle présentait un choc cardiogénique avec fraction d'éjection à 30% et a été hospitalisée en réanimation. La fraction d'éjection est ensuite remontée à 60%.
Les nouvelles notifications confirment "l'existence d'une association causale entre le vaccin Comirnaty* et la myocardite", effet indésirable désormais listé dans le résumé des caractéristiques du produit de Comirnaty*, rappellent les pharmacovigilants. Les cas rapportés à la pharmacovigilance française sont "pour la grande majorité, résolutives et non sévères", commentent-ils.
Au cours de la même période, 54 cas de péricardite ont été rapportés, ce qui porte le total à 111. Le rapport détaille un cas d'épanchement péricardique survenu chez un quinquagénaire, traité par chimiothérapie et radiothérapie, 10 jours après une troisième dose. Les 110 autres cas ont affecté des personnes de 56 ans en médiane (10% chez des moins de 30 ans), après un délai médian de 7 jours pour la première dose et 5 pour la deuxième. La moitié des personnes atteintes ont été hospitalisées. Parmi ces personnes, seules 10% avaient un antécédent de péricardite. Un drainage péricardique a été réalisé chez 5 patients. Dans plus de 17% des cas, cet événement indésirable est résolu et pour la moitié des cas, il est en cours de résolution.
En population générale, les péricardites surviennent en majorité chez des hommes, contrairement aux cas notifiés à la pharmacovigilance après administration de Comirnaty*. Le délai court par rapport à l'injection, raccourci après la deuxième dose, l'absence d'autres étiologies retrouvées, un cas de recrudescence après la deuxième dose, le fait que des péricardites aient été décrites avec d'autres vaccins, ainsi que les hypothèses "mécanistiques inflammatoires et auto-immunes évoquées pour les péricardites", tout comme la publication récente de deux cas en Espagne, "sont autant d'arguments qui plaident en faveur du rôle du vaccin dans la survenue des péricardites", analysent les CRPV.
Les péricardites sont également listées dans le RCP du vaccin.
Notification de deux premiers cas d'échec vaccinal d'issue fatale
Les CRPV rappellent que l'efficacité du vaccin n'est pas de 100%, "a fortiori avec l'émergence de variants". Depuis le début du suivi, 474 cas d'échec vaccinal ont été rapportés, dont 75 au cours du dernier mois de suivi.
Les deux décès sont arrivés quatre mois après la deuxième dose, chez des résidents d'Ehpad qui avaient de lourdes comorbidités.
Signal potentiel de polyarthrite rhumatoïde
Dans leur rapport, les pharmacovigilants analysent 22 cas de polyarthrite rhumatoïde, dont 9 ont été notifiés au cours du dernier mois de suivi.
En majorité, soit 15 cas, il s'agit d'une poussée affectant des personnes chez qui la maladie inflammatoire avait déjà été diagnostiquée. Dans deux cas, une première poussée a été induite après la première injection, et une deuxième après la deuxième dose de vaccin. Dans un de ces deux cas, la polyarthrite rhumatoïde a été diagnostiquée après la deuxième dose.
Parmi les sept cas signalés chez des personnes qui n'avaient pas d'antécédent avéré, deux avaient déjà souffert de douleurs articulaires et une personne avait des antécédents familiaux. En population générale, l'incidence de la polyarthrite rhumatoïde est relativement faible (8,8/100.000). Ces données, concordent avec celles du registre européen de l'Eular (European Alliance of Associations for Rheumatology), qui fait état d'une poussée de la maladie chez 5% des patients vaccinés. De plus, dans une étude décrivant quelques cas de poussée, les auteurs rappellent que les vaccins peuvent être à l'origine de poussées.
Les pharmacovigilants estiment qu'il s'agit d'un signal potentiel commun aux vaccins à ARN messager.
De même, ils considèrent la néphropathie glomérulaire, qu'il s'agisse de récidive ou de maladie de novo, comme un signal potentiel.
S'agissant des récidives, quatre cas de néphropathie à IgA, trois de néphropathie à lésions glomérulaires minimes (LGM) et un syndrome néphrotique idiopathique ont été rapportés. De plus, quatre cas de néphropathies glomérulaires de novo sont décrits.
Deux cas de récidives de syndrome néphrotique sont arrivés dans les 24 heures après la vaccination chez des patientes ayant une néphropathie à IgA. L'évolution a été spontanément favorable. Les pharmacovigilants soulignent avoir retrouvé 12 cas cliniques dans la littérature avec, dans certains cas, une relation causale évoquée, et d'autres un effet lié à une coïncidence.
Pour l'expliquer, ils pointent la réponse immunitaire rapide médiée par une activation des lymphocytes T et le relargage de cytokine, après administration de vaccins à ARN messager, qui pourraient potentiellement déclencher des "poussées de néphropathie à IgA et la podocytopathie dans le cas de néphropathie à LGM". "Bien que le nombre de néphropathies glomérulaires rapportées en France soit faible, l'existence de cas de réintroduction positive aussi bien dans les données de pharmacovigilance que dans la littérature constitue un signal potentiel", estiment les pharmacovigilants.
Des effets indésirables communs aux deux vaccins à ARN messager
Les CRPV de Lille et Besançon, chargés d'analyser les événements indésirables survenus après injection de plus de 5 millions de doses de Spikevax*, décrivent trois cas graves de polyarthrite rhumatoïde, dont un de "réintroduction positive" après administration du vaccin. Ils rapportent également trois cas de néphropathies glomérulaires, dont deux avec une réintroduction positive après la deuxième dose.
Par ailleurs, ils font état de 7 cas de myocardites signalés depuis le début du suivi, avec une majorité de patients rétablis ou en cours de rétablissement et de 13 cas de péricardites tous rétablis.
Ils font un focus sur 62 cas de saignements cutanéo-muqueux, les trois quarts concernant des femmes, survenues en majorité dans les deux jours après l'injection. Les localisations sont génito-urinaire (dont des saignements intermenstruels et menstruels "inhabituels"), nasale, ophtalmique, palpébrale ou cutanée.
"En l'absence de bilan complémentaire des cas déclarés, il est difficile de déterminer un rôle du vaccin dans leur survenue. Néanmoins, devant ce potentiel risque inattendu, seuls les troubles menstruels feront l'objet d'un suivi spécifique (cas les plus surprenants)", écrivent les pharmacovigilants.
Les rapports détaillés des vaccins Vaxzevria* (AstraZeneca) et de Janssen (J&J) seront publiés le 23 juillet.
La synthèse de l'agence signale 4 cas de syndrome de Guillain-Barré depuis le début de la surveillance après administration du vaccin de Janssen. Ce signal est en cours d'investigation au niveau européen.
Par ailleurs, deux nouveaux cas de thrombose atypique ont été rapportés après injection de Vaxzevria* entre le 25 juin et le 8 juillet, portant le nombre total des cas à 55, depuis le début du suivi, dont 13 décès.
vib/nc/APMnews