SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 29 novembre 2021 (APMnews) - Le collège de la Haute autorité de santé (HAS) a accordé une autorisation d'accès précoce à l'inhibiteur de JAK Rinvoq* (upadacitinib 15 mg et 30 mg, AbbVie) dans le "traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l'adulte et de l'adolescent âgé de 12 ans et plus qui nécessite un traitement systémique, en cas d'échec, d'intolérance ou de contre-indication aux traitements commercialement disponibles", selon un avis mis en ligne vendredi.
Rinvoq* a obtenu une extension de son autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en août 2020 dans le "traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l'adulte qui nécessite un traitement systémique".
En France, il a disposé d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) nominative à partir de juillet 2019 puis d'une ATU de cohorte à partir de décembre 2020 dans un double libellé d'indication (en fonction du dosage) (cf
dépêche du 01/04/2021 à 16:28):
- pour le 15 mg, traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l'adulte et de l'adolescent âgé de 12 ans et plus qui nécessite un traitement systémique en cas d'échec, d'intolérance ou de contre-indication aux traitements commercialement disponibles
- le 30 mg est réservé à l'adulte, en cas de réponse insuffisante à la dose de 15 mg.
Dans le prolongement de cette ATU de cohorte, AbbVie a déposé une demande d'accès précoce dans le "traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l'adulte et de l'adolescent âgé de 12 ans et plus qui nécessite un traitement systémique, en cas d'échec, d'intolérance ou de contre-indication aux traitements commercialement disponibles".
L'autorisation du collège intervient juste après un refus d'accès précoce pour l'anti-interleukine-13 (IL-13) Adtralza* (tralokinumab, Leo Pharma) dans l'indication "traitement de la dermatite atopique (DA) modérée à sévère de l'adulte qui nécessite un traitement systémique, en cas de contre-indication, d'intolérance ou d'échec aux traitements disponibles", note-t-on (cf
dépêche du 16/11/2021 à 14:04).
Dans le cas d'Adtralza*, la CT avait estimé dans un avis sur l'accès précoce daté du 27 octobre que le médicament ne remplissait aucun des quatre critères permettant de bénéficier de ce statut: il n'est pas destiné à traiter une maladie grave, rare ou invalidante; il existe des traitements appropriés disponibles comme "les thérapies non médicamenteuses (photothérapie, enveloppements)" et les spécialités Rinvoq* (upadacitinib, AbbVie), Neoral* (ciclosporine, Novartis), Dupixent* (dupilumab, Sanofi/Regeneron) et Olumiant* (baricitinib, Lilly); la mise en oeuvre du traitement peut être différée au regard de l'existence de traitements appropriés; il n'est "pas présumé innovant".
Dans sa décision datée du 10 novembre, le collège avait toutefois contredit la CT sur trois des quatre critères mais l'avait suivi sur le dernier, l'absence de caractère présumé innovant du produit.
Concernant Rinvoq*, le point de vue de la CT, dans son avis daté du 17 novembre, a substantiellement changé pour un médicament visant un accès précoce en dernière ligne dans la dermatite atopique modérée à sévère, note-t-on.
Entre-temps, la composition de la commission a été largement renouvelée, relève-t-on (cf
dépêche du 12/11/2021 à 10:42). Celle du collège n'a en revanche pas changé.
La "nouvelle" CT a jugé que l'indication visée par AbbVie constituait bien une maladie grave, rare ou invalidante, car si la dermatite atopique "n'est habituellement pas une maladie grave mais elle peut se présenter sous des formes sévères voire très sévères et elle peut s'accompagner de complications graves, notamment une érythrodermie nécessitant une hospitalisation, et de troubles psychologiques importants tels qu'une dépression".
Moins d'un mois plus tôt, elle estimait qu'il s'agissait d'une maladie "non grave, non rare mais invalidante".
La "nouvelle" CT a estimé qu'il n'existait pas de traitement approprié, chez l'adulte et l'adolescent, dans l'indication faisant l'objet de la demande d'accès précoce. Elle écarte Adtralza* (sous ATU de cohorte) qui "ne peut être considéré comme un traitement approprié dans la mesure où [il] n'est ni accessible en pratique courant en France, ni pris en charge par la solidarité nationale dans cette indication à la date de la présente évaluation".
Elle a aussi jugé que le traitement ne pouvait être différé "compte tenu de la gravité de la maladie et de son caractère invalidant dans les formes sévères de la maladie en échec des traitements disponibles et de l'absence de traitement approprié pour la prise en charge de ces patients".
Proche mais loin du baricitinib
Enfin, elle a retenu le caractère présumé innovant car il répond à trois sous-critères: une nouvelle modalité de prise en charge de la maladie apportant un changement substantiel aux patients; le médicament dispose d'un plan de développement adapté et présente des résultats cliniques étayant la présomption d'un bénéfice pour le patient; absence d'inconnue importante relative à la tolérance ou à une autre donnée d'importance.
Relativement aux deux premiers points, la CT reconnaît que Rinvoq* est "proche" du baricitinib (Olumiant*, Lilly), un autre inhibiteur de JAK homologué dans la dermatite atopique, mais explique que "bien qu'il n'y ait pas de comparaison directe vs baricitinib, les résultats de l'upadacitinib vs placebo apparaissent très supérieurs à ce qui a été observé avec le baricitinib, pour lequel [elle] a conclu à un SMR [service médical rendu] faible, et sa supériorité a été démontrée par rapport au dupilumab dont le SMR a été considéré comme important chez l'adulte, en cas d'échec de la ciclosporine, et chez l'adolescent qui nécessite un traitement systémique".
"L'upadacitinib a démontré sa supériorité par rapport au placebo en monothérapie ou en association aux dermocorticoïdes chez des patients adultes ou adolescents ayant une dermatite atopique modérée à sévère qui nécessite un traitement systémique. L'amélioration apportée aux patients est substantielle dans la mesure où l'upadacitinib a été également supérieur au dupilumab, chez des patients adultes ayant une dermatite atopique modérée à sévère qui nécessite un traitement systémique, le dupilumab ayant lui-même apporté, lors de son inscription, une amélioration du service médical rendu modérée (ASMR III), chez l'adulte en cas d'échec de la ciclosporine et chez l'adolescent qui nécessite un traitement", poursuit la commission.
Elle reconnaît ne pas disposer de données cliniques sur Rinvoq* dans l'indication sollicitée pour la demande d'accès précoce mais affirme que "l'upadacitinib a le plus fort niveau de preuve de son efficacité dans la dermatite atopique dans la mesure où aucun autre traitement systémique ne s'est comparé et n'a démontré de supériorité par rapport au dupilumab chez les patients qui nécessitent un traitement systémique".
Concernant Adtralza*, le collège de la HAS ne l'avait pas présumé innovant car son plan de développement n'était "pas adapté", les données produites issues des études menées par Leo Pharma n'étant "pas comparatives malgré l'existence de comparateurs cliniquement pertinents (en première ligne de traitement systémique, c'est-à-dire après échec des dermocorticoïdes, ou en deuxième ligne, c'est-à-dire après échec de la ciclosporine) et ne permett[a]nt donc pas de conclure à un possible gain de ce produit par rapport aux alternatives existantes".
"En outre, aucune donnée ne porte sur l'indication sollicitée pour la demande d'accès précoce (dernière ligne) aucune étude n'est en cours", ajoutait-il.
Dans sa décision datée de jeudi sur Rinvoq*, le collège s'approprie les motifs de l'avis de la CT.
eh/nc/APMnews