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Les critères de don du sang par les HSH alignés sur le reste de la population mi-mars

PARIS, 11 janvier 2022 (APMnews) - A partir du 16 mars, les critères d'ajournement pour le don du sang par les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) seront alignés sur ceux du reste de la population, ont annoncé le ministère des solidarités et de la santé et la direction générale de la santé (DGS) mardi lors d'un point presse téléphonique.
Depuis 1983, les HSH sont soumis à des conditions particulières pour donner leur sang. D'abord totalement exclus, ils pouvaient à partir de 2016 donner leur sang après une période d'abstinence sexuelle de 12 mois, réduite à quatre mois depuis avril 2020 (cf dépêche du 11/04/2016 à 09:32 et dépêche du 26/12/2019 à 14:41)
En 2019, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn avait fixé l'objectif de tendre vers un alignement des critères pour tous, quelle que soit l'orientation sexuelle, mais, selon une étude de Santé Publique France, cette évolution aurait entraîné une augmentation de 50% du risque de transmission du VIH par transfusion, rappelle-t-on (cf dépêche du 17/07/2019 à 15:39).
La loi bioéthique publiée en août 2021 a réaffirmé ce cap, avec un amendement inscrivant dans la loi l'incompatibilité entre les critères de sélection pour le don de sang et toute forme de discrimination fondée "sur le sexe du ou des partenaires avec lequel les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles, non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur" (cf dépêche du 03/08/2021 à 09:48).
"Les critères évoluent pour supprimer toute référence à l'orientation sexuelle", a annoncé mardi Jérôme Salomon, directeur général de la santé. Un arrêté doit être signé mercredi, après sa présentation au comité de suivi fixant les critères de sélection des donneurs de sang, avec une entrée en vigueur prévue au 16 mars, "le temps de l'appropriation nécessaire de l'évolution des critères par tous les acteurs".
"Il est mis fin à une inégalité de droit qui n'était plus justifiée", a écrit le ministère dans un communiqué diffusé mardi après-midi.
Cet arrêté, qui révise celui du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang, prévoit plusieurs évolutions du questionnaire présenté aux volontaires:
  • la suppression des critères ajournant les HSH abstinent depuis moins de quatre mois,
  • l'ajout d'un ajournement en cas du prise d'un traitement de prophylaxie préexposition ou post-exposition (Prep ou Pep) au VIH par la personne ou son partenaire sexuel depuis quatre mois ou moins
  • des mises à jour "classiques" qui ajoutent de nouveaux médicaments aux critères d'exclusion
"Ces évolutions s'accompagnent de mesures qui vont viser à suivre en temps réel leurs conséquences, avec des points de sécurité sanitaire toutes les semaines", a précisé Jérôme Salomon.
Prise en concertation avec le comité de suivi, composé d'associations de donneurs de sang, de receveurs, du champ LGBT+, ainsi que d'acteurs institutionnels comme l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Santé Publique France (SPF), l'Etablissement français du sang (EFS), le centre national de référence (CNR) et le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), la décision est justifiée par plusieurs observations et travaux, menés notamment par des experts du haut conseil à la santé publique (HCSP).

Pas d'augmentation du risque transfusionnel lié à ce changement

"Cette évolution s'appuie sur des éléments scientifiques objectifs et indépendants", a affirmé Jérôme Salomon, qui a expliqué que le "niveau de risque transfusionnel baisse régulièrement depuis des années". "Ce risque résiduel était estimé à 1 pour 310.000 transfusions en 1990 et il est aujourd'hui 40 fois inférieur", a-t-il décrit.
La démarche s'accompagne en outre d'un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) sur les conditions nécessaires au don du sang et de deux enquêtes confiées à une universitaire du département de psychologie de l'Université Rennes 2 sur la compréhension et l'acceptabilité du risque auprès des donneurs et des personnels de collecte. "Les donneurs sont très conscients des risques et très responsables, et tout va se jouer sur cette relation de confiance extrêmement forte entre le donneur et l'EFS, qu'on est en train de construire pour le futur", a assuré le DGS.
Interrogé sur le surrisque estimé de transmission du VIH généré par ce changement en raison d'une plus forte exposition au virus des HSH, le DGS a répondu que cette question est "plus théorique que réel" car "le niveau de risque estimé est extrêmement faible".
La fenêtre silencieuse, pendant laquelle une personne peut avoir été contaminée sans que le virus puisse être détecté, "s'est réduite grâce au diagnostic génomique viral" et le "contexte diagnostique est favorable".
Selon le DGS, la crise liée au Covid-19 n'a pas affecté le dépistage du VIH en France. "Nous n'avons eu aucun signal d'évolution négative de l'infection au VIH en France", a-t-il affirmé. Le changement s'accompagne en outre d'une "extrême vigilance des autorités sanitaires, avec une surveillance en continu et en temps réel par l'ANSM, chargée de l'hémovigilance", a-t-il ajouté.
Dans son courrier au DGS mis en ligne sur son site, le HCSP écrit toutefois "qu’il n’est pas possible de garantir un niveau de risque résiduel équivalent au risque actuel en cas de modification du questionnaire pré-don", note-t-on. Dans le cadre d'une suppression des questions relatives aux HSH, "le risque résiduel estimé de sélectionner un donneur infecté par le VIH serait multiplié au maximum par un facteur 1,5 mais resterait faible", a-t-il noté.
"Il y a eu plusieurs évolutions des conditions de don. A chaque fois on a évalué l'impact des mesures et il n'y a eu aucune évolution négative, au contraire", a rapporté le Jérôme Salomon. "Cette évolution ne se traduira pas par une augmentation du risque, c'est au contraire un message de confiance vis-à-vis des donneurs". Il a aussi insisté sur les progrès apportés par les outils numériques, qui permettent notamment aux volontaires de vérifier leur éligibilité au don. "Nous instaurons un climat de transparence et de loyauté", a-t-il résumé. L'objectif de ce changement n'est d'ailleurs "pas quantitatif, mais uniquement qualitatif", a expliqué Jérôme Salomon.

Engagement de l'exécutif et du ministre

L'EFS prépare parallèlement la mise en ligne d'un nouveau site internet pour encore "simplifier et fiabiliser l'échange d'information avec les donneurs, en particulier à destination des jeunes et des donneurs avec un phénotype d'intérêt", a fait savoir Catherine Blem, directrice générale de la chaîne transfusionnelle de l'établissement, présente lors du point presse.
Les nouveaux critères d'exclusion pour les patients sous Prep ou Pep sont dus à deux éléments: d'une part, ces traitements sont la traduction d'une exposition à risque "même si elle est couverte" et d'autre part, "il existe une interaction entre la prise du médicament et la qualification biologique du don: le dépistage viral peut-être perturbé", a expliqué Jérôme Salomon.
Le cabinet du ministère de la santé a insisté sur "l'engagement" de l'exécutif et du ministre des solidarités et de la santé sur ce sujet. Lorsqu'il était député, Olivier Véran avait rédigé un rapport commandé par le premier ministre sur la filière et les enjeux du don du sang, dans lequel il recommandait la fin de l'exclusion systématique des HSH, a rappelé le ministère (cf dépêche du 16/07/2013 à 16:39).
mjl/eh/APMnews

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