dépêche

 - 

Médicament: publication du décret sur les cadres de prescription compassionnelle

PARIS, 14 février 2022 (APMnews) - Le Journal officiel de samedi a publié un décret fixant les conditions dans lesquelles l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) peut élaborer, modifier, suspendre et retirer les "cadres de prescription compassionnelle" (CPC) prévus par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021.
La LFSS pour 2021 comprend une refonte en profondeur du système d'autorisation et de recommandation temporaire d'utilisation (ATU/RTU) autour de deux dispositifs d'accès précoce et d'accès compassionnel, entrés en vigueur depuis le 1er juillet 2021 (cf dépêche du 01/07/2021 à 17:24).
Le décret d'application publié samedi détaille les modalités d'élaboration d'un CPC qui vise à "encadrer une pratique de prescription hors AMM [autorisation de mise sur le marché] en prenant en compte les spécificités relatives aux maladies rares", est-il expliqué dans la notice.
Il ajoute au code de la santé publique une section consacrée à ces CPC qui peuvent être établis de l'initiative de l'ANSM ou de celle des ministres chargés de la sécurité sociale pour une durée de trois ans renouvelables, en l'absence de médicament autorisé ayant le même principe actif, la même forme pharmaceutique et le même dosage lorsque les conditions de l'accès compassionnel sont remplies. Pour rappel, ces conditions sont que la spécialité ne fait pas l'objet de recherche impliquant la personne humaine (RIPH) à des fins commerciales, qu'il n'existe pas de traitement approprié, et que l'efficacité et la sécurité sont présumées, à chaque fois dans l'indication concernée.
Pour chaque médicament, le CPC doit comprendre l'indication ou les indications concernées, la posologie et le mode d'administration, les effets indésirables, le classement du médicament, la durée de validité du CPC ainsi qu'un argumentaire "faisant apparaître les données disponibles qui permettent de présumer" l'efficacité et la sécurité.
Le CPC peut "concerner plusieurs médicaments et sécuriser leur prescription dans la même indication, sous réserve que leur mécanisme d'action soit similaire".

Possibilité de "signalement"

Une pratique de prescription de médicament hors AMM peut faire l'objet d'un signalement par voie dématérialisée auprès de la direction générale de l'ANSM "pour lui permette d'apprécier l'opportunité d'établir" un CPC. Ces signalements peuvent émaner de l'Institut national du cancer (Inca), de centres de référence ou de compétence au sein des filières de santé maladies rares, de conseils nationaux professionnels ou de toute association de patients agréée.
Les observatoires du médicament, des dispositifs médicaux (DM) et de l'innovation thérapeutique transmettent à ces structures (hors associations de patients), les informations concernant les prescriptions hors AMM "susceptibles de faire l'objet d'un signalement".
Tout signalement doit être "motivé" et la position de son auteur "étayée au regard, notamment, des pratiques et des recommandations de prise en charge thérapeutique en vigueur". La direction de l'ANSM doit informer son auteur de l'état d'avancement de l'instruction de son signalement et des suites qui lui ont été réservées.
Lorsqu'elle envisage de réaliser un CPC, l'ANSM peut demander au titulaire de l'AMM du médicament ou à son exploitant de lui transmettre, dans un délai maximum de deux mois, plusieurs informations listées par le décret comme des données d'efficacité et de sécurité, la liste des essais en cours, ou une estimation du nombre de patients concernés en France.
A partir de ces informations et des "connaissances scientifiques disponibles", l'ANSM procède à l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité dans l'indication considérée et élabore un CPC en cas de rapport bénéfice-risque favorable.

Protocole d'utilisation thérapeutique et de suivi des patients

Lorsque l'ANSM entend assortir le CPC d'un protocole d'utilisation thérapeutique et de suivi des patients, comme il en existe pour l'accès précoce, elle doit demander à l'industriel de lui fournir des propositions dans un délai maximal de deux mois.
Ce protocole doit notamment préciser les modalités de suivi des patients et les données à collecter sur l'efficacité et la sécurité, la périodicité et les modalités d'envoi à l'ANSM des rapports de synthèse des données et le rôle de chacun des intervenants dans le suivi des patients, dont celui des prescripteurs, des pharmaciens, et de l'industriel. Le décret liste en outre les informations qui doivent être inscrites au rapport périodique de synthèse.
L'agence peut envisager, pour une maladie rare, que les centres de référence et de compétence en charge de la pathologie fournissent un "appui à la mise en oeuvre" du protocole. Cette possibilité doit faire l'objet d'une concertation préalable avec ces centres selon des modalités prévues par arrêté des ministres.
Le décret prévoit que les prescripteurs et pharmaciens "sont tenus de participer au recueil des données".
Le CPC peut notamment autoriser l'industriel titulaire de l'AMM ou exploitant à "sous-traiter, par un contrat écrit, en tout ou partie, le suivi des patients". S'agissant des établissements de santé, une convention conforme à un modèle fixé par arrêté des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale est conclue entre chaque établissement et l'industriel afin de "prévoir les modalités de dédommagement de l'établissement au titre de sa participation au recueil des données".
Le décret précise par ailleurs que les conventions en cours à la date de sa publication devront être mises en conformité avec le modèle qui doit être fixé par arrêté des ministres "lors de leur reconduction ou au plus tard le 31 décembre".
Lorsque ce recueil est opéré par une interface permettant la saisie électronique des données, l'identification et l'authentification permettant l'accès à cette interface sont assurées en utilisant un service dématérialisé "désigné par arrêté" et mis en oeuvre par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). L'obligation d'utiliser ce service dématérialisé est applicable à compter d'une date fixée par arrêté et au plus tard le 1er septembre.

Publication, modification, suspension ou retrait des CPC

Les projets de CPC et, le cas échéant, de protocole d'utilisation thérapeutique et de suivi des patients, ainsi que la date envisagée d'entrée en vigueur, doivent être transmis par l'agence à l'industriel, qui dispose pour répondre d'un délai fixé par l'agence et inférieur à un mois "sauf urgence".
Au terme de ce délai, la direction générale de l'ANSM peut établir le CPC et le protocole associé le cas échéant, et les publie sur son site internet en précisant leur date d'entrée en vigueur et leur date de fin.
L'agence doit aussi publier sur son site la liste des médicaments pour lesquels un CPC n'a pas été établi à la suite d'un signalement.
Les mesures prises par l'industriel pour diffuer le CPC ou "toute information relative à ce cadre" auprès des professionnels de santé ne doivent pas constituer une publicité au sens du code de la santé publique et doivent être soumises à l'avis préalable de l'ANSM. L'avis de l'agence est réputé rendu en l'absence de réponse dans un délai d'un mois.
Lorsqu'un médicament de référence, ou un médicament biologique de référence, fait l'objet d'un CPC, les médicaments du même groupe générique ou du même groupe biologique similaire autorisés postérieurement à l'établissement du CPC "sont réputés couverts" par le cadre de prescription et les entreprises qui les exploitent doivent respecter les obligations associées.
Lorsque le CPC concerne plusieurs médicaments, le coût du suivi des patients est réparti entre les industriels "au prorata du chiffre d'affaires respectif réalisé sur le marché français de chacun de ces médicaments l'année civile antérieure".
L'ANSM peut décider de modifier, suspendre ou abroger un CPC s'il y a une suspicion de risque pour la santé publique ou un manquement à l'obligation de suivi des patients. "Sauf urgence", la direction de l'agence informe de son intention l'industriel, puis l'informe à nouveau de la publication de sa décision. Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sont informés "sans délai".
Lorsqu'un médicament qui fait l'objet d'un CPC, ou un autre médicament de même substance active, même dosage et même forme pharmaceutique, obtient une AMM ou une autorisation d'accès précoce pour "une ou plusieurs indications" prévues par le CPC, la direction générale de l'ANSM fixe la date à laquelle le cadre de prescription compassionnelle cesse de produire ses effets "en fonction du délai nécessaire à la mise à disposition effective du médicament". L'industriel communique alors les informations nécessaires à l'agence.
(Journal officiel, samedi 12 février, texte 27)
rm/eh/APMnews

[RM3R7AHRJ]

Testez APM NEWS et profitez de l'intégralité de nos dépêches

30 à 50 dépêches par jour sur les sujets du domaine de la santé

Plus de 80 000 utilisateurs en France

20 journalistes experts en France et 3 bureaux en Europe

A lire aussi