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Ethypharm lance la première thérapie numérique dans la dépression sans attendre son éventuel remboursement

SAINT-CLOUD (Hauts-de-Seine), 7 juin 2022 (APMnews) - Ethypharm Digital Therapy (EDT) a lancé la semaine dernière en France la première thérapie numérique Deprexis* pour la prise en charge de patients adultes atteints de dépression, sans attendre son éventuel remboursement par l'assurance maladie, afin notamment d'élargir l'accès aux soins qui s'est encore tendu avec la crise sanitaire de Covid-19.
Il s'agit de "la première thérapie numérique disponible en France pour la dépression à la fois parce qu'il s'agit d'un dispositif médical de classe I, marqué CE, et qu'elle a été évaluée cliniquement dans 12 essais cliniques menés auprès de 2.900 patients", souligne la vice-présidente chargée des opérations commerciales de la filiale du groupe Ethypharm, Aurore Gérigné, auprès d'APMnews.
Laboratoire pharmaceutique spécialisé dans le système nerveux central, Ethypharm a investi dans le secteur de la santé numérique avec notamment l'acquisition, en avril 2021, de Deprexis*, développée par l'entreprise allemande Gaia (cf dépêche du 21/04/2021 à 17:27).
Celle-ci a travaillé avec des investigateurs académiques, des médecins et des psychologues, pendant 10 ans pour développer ce modèle intégratif, s'appuyant largement sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et utilisant aussi de la psychologie positive et interpersonnelle, récapitule Aurore Gérigné.
"Ce n'est pas qu'une simple appli. C'est un programme complet de 10 modules, individuel et interactif, disponible en ligne dont la destination est d'offrir des techniques et des exercices reposant sur des méthodes thérapeutiques psychologico-psychothérapeutiques [...] adaptées aux patients souffrant de dépression unipolaire ou de troubles dépressifs."
La TCC s'est développée au début des années 1960 et son efficacité est établie dans les troubles dépressifs depuis de nombreuses années, comme l'observait déjà l'Inserm dans son expertise collective en 2004. Depuis, d'autres travaux ont été menés, évaluant différentes modalités, et plus récemment, comparant les TCC à distance, par internet, et les TCC en face-à-face, note-t-on.
Deprexis* repose sur un logiciel qui, à partir des réponses aux questions posées aux patients, les aide à développer des stratégies personnalisées, à comprendre les mécanismes de la pensée, des émotions et des comportements associés à la dépression et à apprendre des techniques thérapeutiques à travers des exercices à appliquer au quotidien. Le système propose aussi des questionnaires d'auto-évaluation pour que les patients puissent suivre leurs progrès ainsi que l'envoi de SMS et/ou de courriels.
"Il n'y a pas de critères de sévérité pour suivre cette thérapie car les études cliniques ont inclus un large panel de patients, avec des troubles légers à sévères", précise la responsable d'EDT. Il est en revanche précisé que même si Deprexis* est destiné à un usage autonome, il l'est "en complément des soins habituels", c'est-à-dire "sous-entendu en plus de la prise en charge médicale", ajoute-t-elle.
Interrogée sur une situation de risque suicidaire, Aurore Gérigné souligne qu'elle figure parmi les contre-indications du dispositif. Deprexis* ne doit pas non plus être utilisé en cas de maladies psychotiques ou de troubles bipolaires, comme cela est précisé dans le mode d'emploi.
Le médecin n'a pas besoin d'être présent, ne dispose pas d'interface dans le système et n'a pas accès aux données de ses patients. Mais "il est primordial que le médecin soit au coeur de la prise en charge et Deprexis* ne vient pas la remplacer mais la renforcer", poursuit la responsable d'EDT.
"Comme il s'agit d'un dispositif médical de classe I, la publicité grand public à la télévision aurait été possible mais ce n'est pas notre philosophie. Un patient peut s'inscrire seul sur la plateforme mais le parti pris est de communiquer auprès des médecins en ville et à l'hôpital, d'abord les psychiatres, puis les généralistes qui voient en majorité les patients", pour qu'ils leur recommandent d'utiliser cette thérapie numérique.
EDT a ses propres équipes de visite médicale depuis janvier mais "des synergies" sont possibles avec celles du groupe, déjà connu des psychiatres, précise Aurore Gérigné, interrogée sur la stratégie de communication prévue.

Un accès facilité aux psychologues

L'accueil des professionnels avec lesquels EDT a travaillé pour le lancement est globalement "bon" car ils considèrent que cet outil a "un accès facile et immédiat". Il est "parfois stigmatisant" de se rendre chez le psychologue, il faut réussir à en trouver un pas trop loin de chez soi ainsi que des rendez-vous compatibles avec son propre emploi du temps… "Les contraintes sont nombreuses", fait valoir Aurore Gérigné.
Pour des psychiatres hospitaliers, ce nouvel outil permet de garder le contact en sortie d'hospitalisation car il existe un risque de rechute lorsque le délai pour trouver une consultation de psychologue s'allonge. Et les listes d'attente ont explosé avec la crise de Covid-19, poursuit-elle.
Et selon elle, les psychologues se félicitent de "la démocratisation" de la TCC alors qu'ils peuvent proposer des séances par internet mais "ils sont aussi débordés". "Certains pensent qu'ils vont pouvoir proposer la thérapie numérique pour espacer les consultations avec certains patients et pouvoir en suivre ainsi d'autres."
Actuellement, un patient peut accéder à la thérapie pour une durée de 90 jours, à son rythme, à raison d’une à deux séances par semaine, comme ce qui est habituellement recommandé pour des thérapies brèves, pour 300 € TTC sans remboursement, après le refus de la Haute autorité de santé (HAS) d'accorder une prise en charge transitoire (PECT) précoce en décembre 2021 (cf dépêche du 04/02/2022 à 12:40).
"Mais cela ne préjuge en rien l'avis qui sera rendu pour la demande d'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables" déposée en mars. La PECT a été refusée notamment car elle était appréciée "par rapport à une perte de chances urgente", estime la responsable d'EDT.
La commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) de la HAS avait notamment relevé que Deprexis* "peut répondre à un besoin médical mal couvert" en raison notamment d'"inégalités importantes dans l'offre de soins et de professionnels présents sur les territoires", note-t-on.
Mais il n'est "pas fortement susceptible d'apporter une amélioration significative de l'état de santé des patients" en raison d'un bénéfice léger à modéré sur les symptômes dépressifs par rapport aux traitements conventionnels seuls et de l'absence d'évaluation sur "le retentissement fonctionnel, le bien-être, le rétablissement, les récidives, les rechutes et la consommation d'antidépresseurs".

Des séances déjà à la charge des patients

EDT a toutefois décidé de lancer Deprexis* sans attendre un éventuel remboursement par l'assurance maladie notamment sur l'avis des professionnels qui les accompagnent. "Ils considèrent que la liste d'attente est déjà longue et que des patients de toute façon paieront", fait observer Aurore Gérigné.
Les séances de suivi par un psychologue ne sont pas remboursées par l'assurance maladie sauf dans le cadre du dispositif MonPsy, selon des conditions précises. Les patients doivent avoir notamment des troubles d'intensité légère à modérée s'agissant d'une dépression et être orientés par son médecin. Huit séances au maximum sont remboursées à hauteur de 60% par l'assurance maladie première séance et doivent être menées par un psychologue conventionné (cf dépêche du 11/03/2022 à 12:24).
En attendant l'avis de la Cnedimts, "d'ici la fin de l'année dans le meilleur des cas", et les négociations avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), EDT mène des discussions avec des cliniques privées et des mutuelles pour mettre en place des partenariats.
De nombreuses mutuelles, assurances et institutions de prévoyance proposent, depuis mars 2021, de rembourser une psychothérapie selon certaines conditions (cf dépêche du 23/03/2021 à 15:56) dans une limite de 60 euros par séance. Son coût est entre 50 et 70 euros la séance le plus souvent, d'une durée de 30-45 minutes, note-t-on.
Interrogée sur une étude prévue pour le suivi, Aurore Gérigné dit attendre de savoir "si autorités le demandent". Dans la méta-analyse des 12 essais cliniques évaluant Deprexis*, les auteurs recommandent de poursuivre l'évaluation de l'efficience du dispositif en pratique clinique, son bénéfice à long terme et son rapport coût-efficacité dans les différents systèmes de santé où il sera déployé.
Outre la France, EDT a lancé Deprexis* en même temps au Royaume-Uni puis suivront l'Espagne et l'Italie fin 2022-début 2023, ajoute-t-elle, précisant que l'outil est disponible en 10 langues. Commercialisée en mars 2021 en Allemagne par Servier, qui a acheté les droits pour ce pays, la thérapie numérique "marche bien" là-bas, déclare Aurore Gérigné sans avoir plus d'éléments.
ld/nc/APMnews

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