(Par Sylvie LAPOSTOLLE)
TOULOUSE, 18 juillet 2022 (APMnews) - L'Institut universitaire du cancer de Toulouse (IUCT)-Oncopole prépare une projet d'extension immobilière pour faire face à sa progression d'activité hospitalière et de recherche avec un horizon à 5 ans, a indiqué à APMnews son directeur général, le Pr Jean-Pierre Delord, interrogé à l'occasion de la publication du rapport d'activité de l'établissement.
"'L'Oncopole' comme l'appellent les patients et le grand public, regroupe sur un même site plus de 2.000 professionnels engagés dans la lutte contre le cancer, répartis entre l'IUCT-Oncopole et le Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT). L'IUCT-Oncopole réunit l'expertise et l'excellence de l'Institut Claudius-Regaud et de plusieurs services d'oncologie du CHU de Toulouse", rappellent le Pr Jean-Pierre Delord, directeur général de l'Institut Claudius-Regaud et administrateur du GCS IUCT-Oncopole, Jean-François Lefebvre, DG du CHU de Toulouse et président de l'assemblée générale du GCS, et le Pr Gilles Favre, directeur du CRCT, en ouverture du rapport d'activité 2021.
L'IUCT-Oncopole a ouvert en 2014 sur l'ancien site industriel de l'usine AZF où avait eu lieu une explosion en 2001 avec des investissements importants et une volonté politique forte pour faire émerger un Cancer Comprehensive Center, rappelle-t-on (cf
dépêche du 06/05/2014 à 18:18).
En 7 ans, l'Oncopole qui rassemble 2.050 personnes pour les soins et la recherche et dispose de 308 lits et places (dont 103 places), a vu ses activités beaucoup augmenter et arrive "un peu à saturation", a indiqué le Pr Delord à APMnews dans un entretien accordé la semaine dernière.
En poste depuis avril 2020, le DG souligne "une météo très favorable" en matière de ressources humaines pour l'établissement qui est "très attractif" étant en outre situé dans une région avec un fort dynamisme économique.
Même avec le Covid-19, la progression de l'activité "n'a jamais cessé". En 2021, malgré les vagues épidémiques successives, la progression est de 3% à 5% dans tous les secteurs, note-t-il.
La réforme des autorisations de cancérologie qui va être restructurante et conduire à arrêter certaines activités dans des établissements sous les seuils minimaux va contribuer à accroître encore son activité. Prenant l'exemple du cancer de l'ovaire, cela représente "une intervention compliquée de plus par semaine tout le temps avec des durées d'hospitalisation plus longues", a-t-il expliqué.
Même si d'autres activités sont transférées sur des établissements plus petits en proximité selon une gradation des soins, la tendance reste à la hausse pour le centre de recours. Ainsi, une collaboration qui "marche très bien" avec le centre hospitalier (CH) de Montauban va être étendue. Trois médecins de l'Institut Claudius-Regaud sont déjà partis au CH où l'équipe va être renforcée d'un 4e médecin en hématologie pour prendre en charge les cancers hématologiques associés au vieillissement comme le myélome ou les lymphomes.
En 2021, l'IUCT-Oncopole a traité 10.963 patients (file active hospitalisation) et suivi 36.880 patients (dont 10.643 nouveaux patients). Il est recensé 58.442 séances de radiothérapie, 120.250 préparations de chimiothérapie, 199 greffes réalisées, 3.359 patients traités par thérapies orales, 7.868 interventions chirurgicales et 26 patients traités par CAR-T cells, selon le rapport d'activité 2021.
Deux fois plus d'essais cliniques en 8 ans
Le bilan de son activité de recherche clinique est également en hausse, passant de 300 publications par an à 700 depuis 2 ans dont au moins une par semaine dans une revue d'impact factor supérieur à 20, a-t-il cité.
En 2021, l'Oncopole a recensé 691 publications dont 53 d'impact factor supérieur à 20 (+15% par rapport à 2020 et +76% en 4 ans). Il emploie 164 chercheurs et 113 ingénieurs, techniciens et administratifs.
En 8 ans, le nombre d'essais cliniques a doublé (336 en 2021 et 1.744 patients inclus; 16% des patients de la file active sont inclus en essais cliniques; 39% des essais sont de promotion IUCT-Oncopole).
Le CRCT, qui a fêté ses 10 ans en 2021, accueille une vingtaine d'équipes de recherche. Toulouse est la 2e ville universitaire en nombre d'équipes labellisées cancer et elles sont rassemblées au CRCT, fait-il valoir. Il est passé d'un bon centre de recherche à un excellent centre de recherche", souligne-t-il.
En matière d'enseignement, l'établissement a accueilli 225 internes, 67 doctorants et 132 participants à des formations professionnelles continues en 2021.
"En 7 ans à peine, l'Oncopole a atteint la maturité d'un établissement européen", estime le DG.
Pour poursuivre, "nous développons un projet d'extension immobilière qui doit augmenter nos capacités d'accueil des patients en hématologie, offrir une réanimation un peu plus grande (pour les traitements par CAR-T cells), et des capacités supplémentaires de bloc opératoire, de chirurgie et de recherche clinique", annonce-t-il.
"Il va falloir construire une partie d'extension à notre bâtiment pour avoir un bâtiment totalement réservé aux patients qui viennent en consultation et sur le plateau technique et densifier sur le bâtiment historique l'offre d'hospitalisation" avec la place gagnée en sortant les consultations, détaille le DG.
Le cahier des charges est fait pour la préprogrammation. "La programmation devrait démarrer à l'automne et j'espère débuter la phase opérationnelle dans les 3 à 4 années qui viennent pour une livraison dans 5 ans", sous réserve du Covid et des difficultés d'approvisionnement en matières premières, ajoute-t-il.
Le bâtiment aurait une surface de 15.000 à 20.000 m². Le montage financier est en cours.
Interrogé sur l'exercice budgétaire 2021, le directeur a indiqué que l'Oncopole était bénéficiaire grâce à l'augmentation de ses activités hospitalières et de recherche. "Il n'a pas de problème de déficit et est mieux qu'à l'équilibre", a-t-il répondu. Il a budget d'environ 200 M€. En 2020, l'Institut Claudius-Regaud avait enregistré un excédent de 2,2 M€ sur son budget principal, note-t-on.
De nombreux développements d'activité de recherche
L'IUCT-Oncopole développe de nouveaux projets de recherche. Le Pr Delord souligne l'enjeu "important" de se rapprocher de spécialistes des sciences dures et des sciences de l'ingénieur comme l'illustre le protocole d'accord de deux ans signé en mars avec l'entreprise aéronautique Airbus pour le développement de projets de recherche dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) et l'analyse de données (cf
dépêche du 08/03/2022 à 17:16).
D'autres collaborations industrielles sont à venir notamment sur la radiothérapie Flash, "un vrai sujet de rupture". La combinaison d'électrons et de photons pour irradier améliore encore en dose unique et avec une épargne des tissus sains 100 fois meilleure, explique-t-il. Il faut trouver des entreprises capables de créer des prototypes d'appareil pour produire les rayonnements et modéliser la radiophysique pour voir comment les rayons sont diffusés.
"Un des axes du projet scientifique est de faire vivre ensemble ceux qui font des sciences dures et des sciences expérimentales", poursuit le DG.
Il cite aussi en biologie d'aller sur les axes comme le métabolisme des tissus -la façon dont les cellules cancéreuses consomment de l'énergie a un impact majeur sur les comportements des tissus vis-à-vis des traitements-, s'attaquer à la maladie résiduelle (infravisible) en allant la débusquer et la caractériser pour avancer sur la guérison et s'attaquer à la présentation des antigènes par les cellules cancéreuses pour fabriquer un jour des vaccins individualisés pour éviter les rechutes.
Parmi les faits marquants présentés dans le rapport d'activité 2021, figurent des découvertes comme une piste prometteuse avec l'identification d'altérations moléculaires (mutation germinale du gène PAXS) dans les leucémies aiguës lymphoblastiques qui pourraient servir pour le suivi de ces cancers.
Pour les soins, un projet d'innovation article 51 (PRéCIDIVE) a été retenu par l'Etat pour prévenir la récidive de la maladie chronique sévère par un changement de l'alimentation et de l'activité physique. Une collaboration a été mise en place avec l'ASEI, acteur médico-social, pour l'inclusion et la personnalisation des soins pour faciliter les parcours des patients en situation de handicap (35 patients inclus en 2021).
sl/rm/APMnews