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Parcours en psychiatrie: retour positif sur l'expérience de l'ARS Bretagne

(Par Marion HENRY, aux Journées de l'Adesm)
PARIS, 28 novembre 2016 (APM) - L'agence régionale de santé (ARS) Bretagne a dressé un bilan positif de l'expérimentation autour des parcours en santé mentale et psychiatrie soutenue par l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), jeudi lors des journées annuelles de l'Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm).
L'Adesm a organisé ses journées annuelles jeudi et vendredi sur les "nouveaux horizons de la psychiatrie". La première journée était consacrée "aux territoires et à la territorialité des soins". La seconde journée portait sur les "droits et libertés des patients".
Le Dr Sylvie Dugas, conseillère médicale à l'ARS Bretagne, a expliqué jeudi que l'Anap avait sollicité l'agence pour être une des trois régions expérimentatrices (avec l'ARS Auvergne, devenue ARS Auvergne-Rhône-Alpes, et l'ARS Nord-Pas-de-Calais, devenue Hauts-de-France) du projet sur les parcours en psychiatrie et santé mentale (cf dépêche du 31/08/2015 à 17:17).
L'ARS a accepté notamment parce que les "difficultés de parcours avaient été pointées comme un problème absolument majeur dans le projet d'élaboration du volet santé mentale du projet régional de santé (PRS)". "Le projet Anap était une opportunité de pouvoir passer de la théorie à la pratique sur un domaine qu’on ne pressentait pas simple, celui des parcours, avec un soutien méthodologique de l'Anap et en ayant la possibilité d'échanger avec deux autres ARS", a fait valoir le Dr Dugas.
"Nous avons choisi de le faire sur un petit territoire, qui correspond à trois secteurs de psychiatrie du centre hospitalier Guillaume Régnier (CHGR)", a poursuivi la conseillère médicale de l'ARS. Elle a précisé que le projet avait été mis en place sur deux ans (2014-15), avec une petite équipe projet au sein de l'ARS, un comité de pilotage avec les principaux acteurs concernés par la santé mentale et un groupe projet, constitué de l'ensemble des acteurs du territoire projet.
Le groupe projet a réalisé un travail collectif en deux étapes. La première étape était un "diagnostic partagé centré sur les dysfonctionnements du parcours", à partir de l'analyse de cinq portes d'entrée. Le Dr Dugas a souligné l'importance de la présence des usagers et des familles "pour ancrer les travaux dans la réalité des parcours".
Ensuite, a eu lieu une étape pour définir un plan d'actions priorisé, avant la mise en oeuvre.
"Les travaux ont porté sur des sujets assez différents", a relevé le Dr Sylvie Dugas.
Les actions identifiées ont été les suivantes:
  • la mise en oeuvre d'une formation croisée
  • le processus d'évaluation du handicap psychique
  • les critères d'admission en établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS)
  • la transmission d'information entre les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les ESMS
  • la création d'un groupe d'entraide mutuelle (GEM)
  • l'harmonisation des organisations de l'activité des centres médico-psychologiques (CMP) sur les trois territoires
  • les situations d'hospitalisation au long cours.
Il y a deux actions, qui n'ont pas pu être développées parce que les professionnels n'ont "pas eu la disponibilité nécessaire pour le faire". Il s'agit des compétences psychiatriques au sein du centre 15 et de l'élaboration de courriers-types entre médecins de premier recours et psychiatres.

La formation croisée pour mieux travailler ensemble

Parmi les actions, la conseillère médicale de l'ARS a souligné l'intérêt de la formation croisée pour améliorer les parcours parce que cela "met autour de la table un ensemble de professionnels de champs d'action différents". Cela permet en travaillant des situations de parcours complexes, d'échanger, d'avoir des regards croisés, d'exprimer ses difficultés, de prendre conscience du rôle des uns et des autres et de pouvoir mieux travailler ensemble, a-t-elle fait valoir.
La révision du processus du handicap psychique a été une "action extrêmement structurante". "L'évaluation du handicap psychique n'est pas simple et cela peut mener à des orientations qui ne sont pas adéquates, donc à des problèmes de prise en charge, de qualité de vie des personnes et donc des ruptures possibles", a relevé le Dr Dugas.
La création d'un GEM sur le territoire de Vitré (Ille-et-Vilaine) a été aussi une "réponse particulièrement utile pour le parcours, pour rompre l'isolement et faciliter l'insertion des personnes", a-t-elle poursuivi.
Les travaux sur l'hospitalisation au long cours ont été des travaux "conséquents" menés par le CHGR, en lien avec la MDPH et les acteurs sociaux et médico-sociaux. Il y a eu un travail d'analyse de situations d'hospitalisations au long cours dans une unité d'hospitalisation prolongée.
La mobilisation de l'ensemble des acteurs a permis la sortie de 18 patients de cette hospitalisation au long cours et l'élaboration d'une convention-type entre le CH et les établissements sociaux et médico-sociaux pour améliorer les interactions. Ces travaux ont stimulé la construction d'une filière intersectorielle "hospitalisation prolongée" au sein du CHGR, qui va concerner l'ensemble de l'établissement.

Impliquer tout le monde, "ce n'est pas simple"

Le Dr Dugas a fait mention de "quelques points d'attention" de cette démarche. La démarche implique un "engagement fort des acteurs" et un "temps conséquent et un degré d'implication qui a été croissant".
"L'enjeu est d'impliquer tout le monde, mais ce n'est pas simple", a-t-elle souligné. "Dans notre expérience, nous avons eu des difficultés à impliquer le champ de la médecine générale", a-t-elle signalé, précisant que l'ARS avait prévu des modalités de dédommagement des réunions. "Il y a eu quelques réunions avec les maisons de santé pluridisciplinaires qui ont été très utiles, mais on n'a pas réussi à les impliquer suffisamment pour les actions après", a-t-elle regretté.
L'ARS a eu des difficultés aussi avec le secteur médico-social non spécialisé sur le handicap psychique, qui n'avait "pas perçu l'importance de ce type de démarches et n'était pas très présent au départ".

Un équilibre à trouver sur le diagnostic

Sur le diagnostic partagé, le Dr Dugas a estimé qu'il y avait un "équilibre à trouver". Il s'agit "d'une étape mais que d'une étape: il ne faut pas griller toute son énergie sur le diagnostic partagé". "On sait déjà beaucoup de choses, on sait d'autant plus de choses qu'on se met tous autour de la table", a-t-elle souligné.
En même temps, cela reste une étape "à ne pas négliger", car c'est une étape, dans notre expérience, qui a été "décisive et importante pour la construction du partenariat". "C'est en faisant ces réunions sur le diagnostic que petit à petit, les gens se sont écoutés, ont appris à se connaître et à se faire un peu confiance", a souligné le Dr Dugas.
Elle a identifié quelques facteurs favorables pour mener la démarche. Elle a estimé qu'il fallait associer l'ensemble des acteurs, les acteurs du logement y compris et les représentants d'usagers. "Il faut avoir une animation, qui permette l'expression de tous, sans qu'il y ait de hiérarchie", a-t-elle relevé.
"C'est important que la démarche soit légitimée et qu'il y ait des prises de décision à certains moments pour être en appui à la démarche", a-t-elle ajouté.
La valeur ajoutée de la démarche, c'est de sortir de la logique "structures" et "se centrer vraiment sur les difficultés de parcours de santé de vie des personnes concernées et sur la dynamique de changement que cela implique derrière". Le Dr Dugas a aussi mentionné la "dynamique partenariale", qui est un "levier très puissant pour agir".
"Dans notre expérience, cela a débordé le cadre du projet: cela a permis de mettre en oeuvre certaines actions, mais au-delà, cela a facilité les rapports et interactions entre acteurs, cela a légitimé certaines orientations de projets d'établissements qui ne se mettaient pas en oeuvre spontanément et cela favorisait les synergies entre différents projets", a-t-elle souligné.

Une nouvelle publication de l'Anap en 2017

Corinne Martinez, manager à l'Anap, a indiqué au cours de cette table ronde qu'une nouvelle publication était en projet pour 2017. "Nous allons entrer dans le contenu", a-t-elle précisé. Il s'agira du recueil des actions les plus importantes ou invariantes. Trois angles seront abordés : les appuis à la coordination, la gradation des soins et des accompagnements et la transversalité.
L'Anap travaillera aussi sur des "vignettes thématiques" : les hospitalisations inadéquates et au long cours, l'ambulatoire et la pédopsychiatrie. Il s'agira aussi de pouvoir évaluer la démarche avec la définition de critères, la mesure de leur pertinence et un bilan de l'expérimentation.
"Nous sommes en train de réfléchir à comment aussi nous pourrons déployer [la démarche] sur les autres régions et territoires", a indiqué Corinne Martinez, précisant qu'ils souhaitaient "mettre en place un centre ressources pour mettre à disposition de tout le monde ce qui se passe en région".
mh/ab/APM

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