(Par Marion HENRY, aux Journées de l'Adesm)
PARIS, 30 novembre 2016 (APM) - Cinq établissements de psychiatrie d'Ile-de-France ont réalisé une mise en commun de leurs données qui a permis de créer un outil d'aide à la décision et à la réflexion, selon une présentation de la démarche réalisée en fin de semaine dernière aux journées annuelles de l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm).
L'Adesm a organisé ses journées annuelles jeudi et vendredi sur les "nouveaux horizons de la psychiatrie". La première journée était consacrée "aux territoires et à la territorialité des soins". La seconde journée portait sur les "droits et libertés des patients".
Il s'agit d'une initiative de cinq établissements franciliens (GPS Perray-Vaucluse, l'EPS Maison-Blanche, Hôpitaux de Saint-Maurice, le CH Sainte-Anne, l'association de santé mentale du XIIIème (ASM 13), couvrant l'ensemble des secteurs de psychiatrie adulte et sept des 12 secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, ont expliqué le Dr Florence Perquier, épidémiologiste, GHT Paris-Psychiatrie-neurosciences et le Dr Valérie Le Masson, médecin responsable du département de l'information médicale (DIM), CH Sainte-Anne.
En juillet 2016, le groupement hospitalier de territoire (GHT) Paris-Psychiatrie-neurosciences (avec Sainte-Anne, Maison Blanche et Perray-Vaucluse) a remplacé la communauté hospitalière de territoire (CPT), ont-elles rappelé. "Mais la réflexion sur la notion de territoire a été amorcée bien avant. Dès 2010, les départements d'information médicale ont mis en commun les données concernant leur établissement. Cette démarche a ensuite été enrichie".
En 2015, cela représentait 2,07 millions de Parisiens desservis par ces établissements et une file active globale de 77.600 patients pris en charge en psychiatrie.
Les indicateurs disponibles avaient des "limites concernant notre propre analyse sur le territoire parisien" car "peu de données socio-démographiques sont disponibles et si elles le sont, elles le sont à un niveau de détail limité, celui du département ou de l'arrondissement", a expliqué le Dr Florence Perquier.
Ces limites "ont mis en évidence la nécessité d'enrichir les données et ce travail a été réalisé dès 2010 par la mise en commun des données d'activité et progressivement enrichi jusqu'en 2015", a poursuivi le Dr Perquier,
Elle a précisé que l'outil se présentait sous la forme d'un rapport, avec deux objectifs:
- mieux connaître les caractéristiques de la population parisienne pour anticiper ses besoins
- analyser l'activité parisienne des cinq établissements avec des indicateurs d'activité plus détaillés que ceux disponibles dans le RIM-P (mesures de soins sans consentement, nouveaux patients, files actives dans les services d'urgence, focus sur l'activité infanto-juvénile).
Données populationnelles sur différents périmètres
Concernant les données de population, "nous avons exploité la richesse des données de la statistique publique, de l'Insee, de la caisse d'allocation familiale et de l'assurance maladie", a expliqué le Dr Perquier.
Avec l'aide de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) et la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (Dases), "nous avons mis en place un outil cartographique présenté à différents périmètres (îlot Iris, secteur de psychiatrie, arrondissement, territoires desservis par les établissements)".
L'analyse du territoire de l'îlot a permis une analyse très fine des indicateurs socio-démographiques, notamment de la part des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), alors que le secteur a mis en évidence les caractéristiques socio-économiques fortement contrastées sur le territoire, avec une part des personnes non scolarisées sans diplôme et de la population au chômage plus importante dans les secteurs du nord-est parisien.
"Nous avons aussi mis en évidence les situations familiales diverses, avec une part des familles monoparentales plus importantes dans le XXème arrondissement, le sud du XIXème, le nord du XVIIIème et dans le XIIIème arrondissement et une part des personnes vivant seules est concentrée au centre de Paris", a-t-elle souligné.
Un groupe dédié pour les indicateurs d'activité
S'agissant des indicateurs d'activité, un groupe de travail dédié a été constitué et s'est composé de cinq médecins DIM et d'une épidémiologiste, a expliqué Dr Valérie Le Masson.
Pour la file active, 80% des patients sont d'orientation dite "de secteur" pour l'ASM13, l'EPS Maison-Blanche, Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne). En revanche, le CH Sainte-Anne a 55% de patients hors secteur (dont 30% qui viennent d'Ile-de-France et de province) et 35% pour le GPS Perray-Vaucluse.
Il a été constaté des répartitions entre l'hospitalisation à temps complet et à temps partiel très différentes entre établissements, avec une part de l'hospitalisation à temps complet qui varie de 75% à 96%, a rapporté le Dr Le Masson.
Cela s'explique par la structuration de l'âge des patients ou de l'offre de soins: l'ASM13 (75%) a une proportion très importante d'infanto-juvénile dans sa file active et l'hôpital Maison-Blanche (96%) a très peu d'hôpitaux de jour.
Sur les patients en séjour prolongé en temps plein (qui cumule 292 jours dans l'année), les différences sont également importantes. Les taux vont de 0,4% (CH Sainte-Anne) à 3,9% (GPS Perray-Vaucluse). L'âge joue un rôle important avec l'ASM13 (0,5%) qui accueille beaucoup d'enfants qui font moins de séjours prolongés.
En outre, dans les projets médicaux, l'hôpital Maison-Blanche (3,1%) et le GPS Perray-Vaucluse ont choisi d'ouvrir des lits réservés à l'accueil de ces patients. "Devant de telles différences, au niveau du GHT, nous sommes en train de mettre une réflexion pour imaginer des offres de soins innovantes pour ces patients en dépendance institutionnelle", a signalé le Dr Le Masson.
La durée moyenne d'hospitalisation (sans les patients en séjour prolongé) varie de 32,5 jours à 39,3 jours, a-t-elle rapporté, précisant que cet écart interrogeait également. D'importantes différences ont été constatées également sur les lieux de consultations pour la file active ambulatoire.
Sur les soins sans consentement, il a été constaté que les types de placement ne différent pas entre établissements, sauf pour les soins en cas de péril imminent qui est plus important à Maison-Blanche et à Perray-Vaucluse avec une augmentation au cours des dernières années. Sur ce point, une étude épidémiologique va être menée pour comprendre cette tendance, a précisé le Dr Le Masson.
Une aide dans le diagnostic partagé en santé mentale
"Ce travail nous a permis de rendre objectif les spécificités détaillées de chaque établissement, utile dans la constitution du GHT et des nouvelles missions du DIM de territoire", a-t-elle indiqué. Cela nous a permis de mettre en évidence les points qu'on voulait harmoniser entre DIM (décompte de l'activité, l'homogénéisation des modes de calcul...).
Cet outil est un "outil partagé et évolutif" -où sont introduits régulièrement des nouveaux indicateurs-, un "outil de suivi dans le temps" (suivi des caractéristiques de population, des organisations et des pratiques) et un "outil d'information" qui permet le dialogue, a fait valoir le Dr Le Masson.
C'est aussi un "outil d'aide à la décision et à la réflexion", une aide dans le diagnostic partagé en santé mentale et dans l'écriture des projets médicaux. Il permet des questionnements médico-économiques et de gestion (répartition des DAF) et une réflexion sur les pratiques. Cela permet aussi des études épidémiologiques sur les problématiques qui ont émergé (soins en cas de péril imminent, patients au long cours, logement).
Au final, "cela permettra d'avoir une base commune, une vraie file active et non une somme de file active, suivre les parcours, standardiser les indicateurs de requêtes et mobiliser de nouvelles données", a conclu le Dr Le Masson.
mh/ab/APM