LONDRES, 18 juillet 2022 (APMnews) - Entre 330.000 et 620.000 décès pourraient être évités d'ici 2050 en France en accélérant et en renforçant les mesures d'amélioration du contrôle de la pression artérielle dans la population, avec l'objectif "80-80-80", selon une étude de modélisation à l'échelle mondiale publiée dans Nature Medicine.
Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité dans le monde. L'hypertension artérielle représente le principal facteur de risque modifiable de maladie cardiovasculaire et de la mortalité associée, et s'il existe des interventions coût-efficaces pour la prévention et la prise en charge de cette condition, elles ne constituent pas toujours une priorité politique dans de nombreux pays.
Sarah Pickersgill de l'University of Washington à Seattle et ses collègues ont modélisé les bénéfices sanitaires d'un meilleur contrôle de la pression artérielle dans la population, en se basant sur les programmes de lutte contre l'hypertension couronnés de succès et sur les pays les plus performants sur ce thème, avec l'idée d'établir des objectifs raisonnables à atteindre si l'hypertension était érigée comme priorité politique et s'il y avait une action collective internationale pour soutenir une intensification des interventions dans différents pays.
Ils proposent un objectif de 80-80-80 pour la lutte contre l'hypertension (à l'instar de l'objectif 90-90-90 de lutte contre le VIH): que 80% des personnes hypertendues soient dépistées et connaissent leur statut d'hypertendu, que 80% des personnes diagnostiquées se voient prescrire un traitement, et que 80% des patients traités atteignent les cibles thérapeutiques recommandées de pression artérielle.
Ils ont modélisé l'impact de trois scénarios de contrôle de l'hypertension dans 182 pays:
- le statu quo, dans lequel le contrôle de l'hypertension augmente à la vitesse observée historiquement, sans inflexion et sans effort supplémentaire pour augmenter le contrôle de l'hypertension d'ici 2050, et la consommation moyenne de sodium dans la population reste inchangée (ce scénario sert de comparateur pour les deux autres)
- le "progressif", avec une accélération du contrôle de l'hypertension à des niveaux d'amélioration observés historiquement dans des pays hautement performants sur ce thème, et une diminution de 15% de la consommation de sodium dans la population entre 2023 et 2030
- l'"ambitieux", avec une accélération du contrôle de l'hypertension plus rapide que celle observée historiquement dans des pays hautement performants sur ce thème, et une diminution de 30% de la consommation de sodium entre 2023 et 2027.
Un objectif atteignable dans la plupart des pays d'ici 2040
Selon leur étude, avec des conditions de mise en oeuvre réalistes, la plupart des pays pourraient atteindre les objectifs 80-80-80 d'ici 2040, avec une réduction de la mortalité de toutes causes de 4% à 7% (76 millions à 130 millions de décès évités entre 2022 et 2050) selon le scénario "progressif" et le scénario "ambitieux", respectivement, par rapport au statu quo.
L'augmentation du nombre de maladies cardiovasculaires liée au vieillissement de la population pourrait en outre être ralentie, la mise en oeuvre des scénarios "progressif" et "ambitieux", respectivement, laissant espérer 110 millions à 120 millions de cas en moins que le statu quo.
Les résultats détaillés des modélisations pour chaque pays sont rendus disponibles dans la publication via le lien
dcp-uw.shinyapps.io/bp-targets/. Même si la plus grande part de réduction des décès et des maladies cardiovasculaires viendrait des pays à revenu intermédiaire et des pays à faible revenu, un impact important est à attendre dans les pays à revenu élevé également.
Pour la France, la modélisation prévoit que l'objectif 80-80-80 soit atteint après 2050 en cas de statu quo, entre 2031 et 2040 dans le scénario "progressif" et d'ici 2030 dans le scénario "ambitieux".
De 330.000 à 620.000 décès seraient évités entre 2020 et 2050 dans les scénarios "progressif" et "ambitieux", respectivement, et 830.000 à 1,5 million de nouveaux cas seraient évités sur cette période, respectivement, par rapport au statu quo.
La mortalité cardiovasculaire en France serait réduite, en 2050, de 12% avec le scénario "progressif" et de 26% avec le scénario "ambitieux", la mortalité totale serait réduite de 1,6% et 3,4%, respectivement, et le nombre de nouveaux cas de maladie cardiovasculaire serait réduit de 8,8% et 19%, respectivement.
"Atteindre un objectif de 80-80-80 pour le contrôle de l'hypertension pourrait être l'un des plus importants accomplissements en santé publique mondiale des prochaines décennies. Atteindre cet objectif rapidement (d'ici 2040) nécessitera la réplication de programmes à succès sur l'hypertension à l'échelle, dans de nombreux pays, complétée par la mise en oeuvre des stratégies de réduction de la consommation de sel soutenues par l'OMS [Organisation mondiale de la santé]", concluent les auteurs.
"Ces efforts nécessiteront ensuite une action collective internationale pour développer de nouvelles technologies, partager les meilleures pratiques et, dans certains cas, contrer la résistance de l'industrie face aux politiques de reformulation de l'alimentation", ajoutent-ils.
La mise en place de ces stratégies devrait partiellement contrer l'augmentation attendue des maladies cardiovasculaires liée au vieillissement de la population, notent-ils.
cd/nc/APMnews