PARIS, 26 mars 2020 (APMnews) - Un décret publié jeudi au Journal officiel encadre l'utilisation de l'hydroxychloroquine (Plaquenil*, Sanofi) et de l'anti-VIH lopinavir + ritonavir (Kaletra*, AbbVie, et ses génériques) dans le Covid-19 au sein des établissements de santé pour la prescription initiale, puis au domicile du patient si son état le lui permet.
L'hydroxychloroquine est indiquée dans le traitement symptomatique de la polyarthrite rhumatoïde, dans le traitement du lupus et dans la prévention des lucites, tandis que l'association du lopinavir et du ritonavir est indiquée, en association avec d'autres antirétroviraux, dans le traitement du VIH chez les adultes, adolescents et enfants âgés de 14 jours et plus, rappelle-t-on.
Les deux actifs font l'objet d'essais cliniques dans le traitement des formes sévères de Covid-19 (cf
dépêche du 23/03/2020 à 19:36) mais, face à l'absence d'alternatives thérapeutiques, certains patients et médecins l'utilisent dès à présent hors autorisation de mise sur le marché (AMM) et hors essais cliniques. La demande de Plaquenil* notamment est croissante dans les officines françaises (cf
dépêche du 24/03/2020 à 15:10).
Devant cette situation, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran a annoncé lundi soir la prochaine publication d'un arrêté pour encadrer cet usage, sur la base d'un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) (cf
dépêche du 23/03/2020 à 22:04).
Il s'agit finalement d'un décret, complétant le décret du 23 mars prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et entrant en vigueur immédiatement. Il autorise la prescription, la dispensation et l'administration sous la responsabilité d'un médecin de l'hydroxychloroquine et de l'association lopinavir + ritonavir aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé ainsi qu'à domicile pour la poursuite de leur traitement, si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial.
Les médicaments seront toutefois toujours "fournis, achetés, utilisés et pris en charge" par les établissements de santé, est-il indiqué. Le texte précise aussi que sont "considérés comme établissements de santé les hôpitaux des armées, l'Institution nationale des Invalides et les structures médicales opérationnelles relevant du ministre de la défense déployées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire",
Les spécialités sont vendues au public et au détail par les pharmacies à usage intérieur (PUI) autorisées et pris en charge au titre des médicaments spécialisés, c'est-à-dire remboursés uniquement s'ils sont délivrés par une PUI. "Le cas échéant, ces dispensations donnent lieu à remboursement ou prise en charge dans ce cadre sans participation de l'assuré", est-il précisé.
L'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) est chargée d'élaborer un protocole d'utilisation thérapeutique à l'attention des professionnels de santé et d'établir les modalités de l'information adaptée aux patients.
Le professionnel de santé prenant en charge le patient doit assurer le recueil d'informations concernant les effets indésirables et leur transmission au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) territorialement compétent.
En officine, Plaquenil* et "les préparations à base d'hydroxychloroquine" ne peuvent être dispensés "que dans le cadre d'une prescription initiale émanant de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin".
L'exportation de deux spécialités est interdite
Le décret acte également que l'exportation des spécialités contenant l'association lopinavir + ritonavir ou de l'hydroxychloroquine est interdite "afin de garantir l'approvisionnement approprié et continu des patients sur le territoire national" en officines de ville comme dans les PUI. Cette disposition ne s'applique pas à certaines collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.
Olivier Véran avait déjà fait savoir vendredi 20 mars devant les sénateurs que l'exportation de l'hydroxychloroquine était impossible "depuis deux semaines", rappelle-t-on (cf
dépêche du 20/03/2020 à 12:21).
L'ANSM a par ailleurs diffusé jeudi un point d'information pour sécuriser l'accès à Plaquenil* et Kaletra* pour les patients atteints de maladie chronique à qui ces médicaments sont destinés. "A ce jour ni le Plaquenil* ni le Kaletra* n'ont d'indication dans la prise en charge du Covid-19 en ville", rappelle-t-elle. "Il n'y a donc aucune justification à leur prescription dans cette indication."
Se référant au décret publié au Journal officiel vendredi, elle demande aux pharmaciens d'officine de ne délivrer ces médicaments "que sur prescription médicale dans leurs indications habituelles".
Elle annonce qu'elle a demandé aux laboratoires Sanofi, AbbVie et Mylan (qui commercialise un générique de Kaletra*) de livrer "dès que possible et en quantités suffisantes", les grossistes-répartiteurs et les pharmacies en Plaquenil*, Kaletra* et son générique." Nous nous assurons auprès des laboratoires que les livraisons en pharmacies soient effectuées à hauteur des commandes habituelles", a-t-elle fait savoir.
L'agence rappelle également que Plaquenil* a été inscrit sr la liste II des substances vénéneuses par un arrêté du 13 janvier, à la suite d'une harmonisation avec les médicaments de la même classe. "Vous ne devez les dispenser que sur présentation d'une ordonnance, même si les boîtes dont vous disposez ou que vous recevez ne sont pas encore étiquetées 'liste II' (cadre vert)", indique l'ANSM aux officinaux.
Conformément au décret, elle leur demande aussi de n'honorer que les prescriptions initiales de Plaquenil* émanant des rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres, ainsi que les renouvellements d'ordonnance émanant de tous médecin. "Respectez les mêmes modalités de prescription et de dispensation pour les préparations magistrales contenant cette substance active", précise-t-elle.
Pour Kaletra*, les officinaux ne doivent honorer que les prescriptions initiales hospitalières et les renouvellements d'ordonnance émanant de tout médecin "comme habituellement".
L'ANSM annonce enfin qu'elle suit "quotidiennement et de façon très rapprochée" l'état des stocks et des approvisionnements des traitements dans le contexte Covid-19, "en lien étroit avec les laboratoires pharmaceutiques". Cette surveillance concerne les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) utilisés par les patients au quotidien pour la prise en charge de leurs pathologies chroniques et aiguës, ainsi que l'ensemble des traitements utilisés dans la prise en charge des patients.
"Nous appelons à la responsabilité de chaque acteur de la chaîne de soins afin de garantir l'approvisionnement des traitements permettant la prise en charge des patients qui en ont ou en auront besoin", écrit-elle.
(Journal officiel, jeudi 26 mars, texte
31)
mjl/eh/APMnews