PARIS, 9 avril 2020 (APMnews) - Le président de la République, Emmanuel Macron, s'est rendu à l'hôpital Bicêtre (AP-HP, Val-de-Marne) puis à Marseille, où il a notamment rencontré le Pr Didier Raoult, dans le cadre d'une journée consacrée aux traitements évalués dans le Covid-19, a-t-on appris jeudi auprès de l'Elysée, qui a assuré que cette visite au fervent défenseur de l'hydroxychloroquine n'était "pas un signal envoyé à l'opinion".
Accompagné tout au long de la journée par le président du conseil scientifique, le Pr Jean-François Delfraissy, Emmanuel Macron s'est dans un premier temps rendu au CHU du Kremlin-Bicêtre pour y rencontrer les équipes hospitalo-universitaires impliquées dans la recherche clinique contre le coronavirus.
Les équipes lui ont présenté à cette occasion plusieurs essais cliniques conduits pour identifier des traitements efficaces dans le Covid-19, en particulier l'essai européen Discovery (cf
dépêche du 08/04/2020 à 16:28) et l'étude CORIMUNO-19, développée par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) en lien avec le réseau Reacting (cf
dépêche du 06/04/2020 à 12:28).
Ce déplacement, qui visait à faire le point sur les perspectives concrètes de traitements rapidement disponibles, s'est inscrit dans le prolongement d'un échange intervenu mercredi soir entre le chef de l'Etat et le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a précisé l'Elysée.
Au cours d'un débrief à la presse jeudi soir, l'Elysée a rapporté que le chef de l'Etat s'était montré "extrêmement intéressé" par l'étude CORIMUNO, qui propose une stratégie thérapeutique reposant sur l'immunomodulation et dont l'objectif est de réduire la poussée inflammatoire qui conduit à l'aggravation de l'état clinique.
Il s'est également entretenu "pendant plus de deux heures" avec les chercheurs impliqués dans l'Essai Discovery. A ce jour, 571 patients sur les 800 prévus en France ont été recrutés, dont 25 à 30 à l'hôpital Bicêtre, a rapporté l'Elysée.
Cette rencontre avec des médecins hospitalo-universitaires a aussi été l'occasion de "discuter des autres pistes de recherche", comme par exemple l'essai Coviplasm qui porte sur l'intérêt thérapeutique du plasma de patients convalescents (cf
dépêche du 03/04/2020 à 15:05), et ainsi d'avoir "une discussion panoramique sur les traitements".
Didier Raoult a présenté sa toute dernière étude au chef de l'Etat
Puis, dans l'après-midi, Emmanuel Macron a pris la direction de Marseille, en avion, pour rencontrer le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, le Pr Didier Raoult.
L'Elysée a souligné que cette visite avait deux objectifs: d'une part, visiter l'IHU Méditerranée Infection car "c'est un des très beaux IHU de France", "fleuron de la recherche en santé", et d'autre part, discuter des aspects de la recherche avec le Pr Raoult.
L'équipe du chef de l'Etat a insisté à plusieurs reprises sur le fait que cette journée ne se résumait pas à "un tête-à-tête avec le Pr Raoult", qu'il ne s'agissait "pas d'un signal envoyé à l'opinion" et que le fait que le président aille à Marseille n'était "pas une reconnaissance" de la validité du protocole déployé par les chercheurs de l'IHU.
L'Elysée a également rapporté qu'au cours de cet échange, le Pr Raoult avait remis à Emmanuel Macron sa toute dernière étude (dont le résumé a également été publié jeudi sur le site internet de l'IHU), tout en pointant que ce travail serait examiné et discuté dans le cadre du conseil scientifique et que ce n'était pas le rôle du chef de l'Etat de déterminer la pertinence de cette étude.
Cet article n'est pas encore publié dans une revue médicale à comité de lecture, note-t-on. Selon le résumé mis en ligne, l'étude a porté sur une cohorte de 1.061 patients (âgés de 44 ans en médiane) traités pendant au moins 3 jours par la combinaison hydroxychloroquine et azithromycine, et suivis pendant au moins 9 jours.
Matthieu Million et ses collègues de l'IHU de Marseille y rapportent que 91,7% des patients étaient virologiquement guéris après 10 jours de traitement, qu'environ 1% des patients ont nécessité un transfert en unité de soins intensifs et que 0,5% des sujets sont décédés. Le nombre de patients nécessitant une hospitalisation de 10 jours ou plus était de 31 (2,9%). Au total, ce sont donc 46 patients (4,3%) qui ont présenté une évolution défavorable. Les auteurs rapportent en outre ne pas avoir observé de toxicité cardiaque en lien avec le traitement.
Dans le résumé, ils font état d'une mortalité "significativement plus faible" chez les patients traités avec la combinaison hydroxychloroquine et azithromycine par rapport à ceux ayant bénéficié d'autres traitements, que ce soit à l'IHU ou dans d'autres hôpitaux publics de Marseille, sans toutefois préciser les taux de mortalité observés dans ces groupes utilisés comme référence, ni préciser si les patients présentaient le même profil.
Ils en concluent que cette combinaison thérapeutique est "sûre et efficace" pour traiter le Covid-19 lorsqu'elle est "initiée immédiatement après le diagnostic".
Démarrage d’un essai randomisé sur l’hydroxychloroquine aux Etats-Unis
Par ailleurs, les National Institutes of Health (NIH) aux Etats-Unis ont annoncé jeudi dans un communiqué le lancement d’un essai clinique randomisé pour évaluer à leur tour l’intérêt de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19.
Ce traitement potentiel est, depuis le début, largement défendu par le président Donald Trump qui, malgré les mises en garde prudentes de ses conseillers scientifiques, vante régulièrement ce médicament dont il espère, semble-t-il, qu’il pourrait résoudre la crise et permettre à l’économie américaine de repartir rapidement.
Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy & Infectious Diseases (NIAID, l’une des composantes des NIH, est quant à lui beaucoup moins enthousiaste, selon les médias américains. Néanmoins, une étude va donc être lancée, pas par le NIAID qui étudie quant à lui l’antiviral remdésivir (Gilead), mais par un autre bras des NIH, le National Heart Lung & Blood Institute (NHLBI).
L’étude ORCHID inclura 500 patients souffrant de Covid-19 hospitalisés ou admis aux urgences et pour lesquels une hospitalisation est prévue. Ils seront randomisés entre l’hydroxychloroquine et un placebo.
"De nombreux hôpitaux américains utilisent déjà l’hydroxychloroquine en traitement de première ligne […] malgré les données cliniques extrêmement limitées pour démontrer son efficacité", rappelle dans le communiqué des NIH l’investigateur principal de l’étude, Wesley Self, de l’université Vanderbilt à Nashville. Il est donc "urgent" d’avoir plus de données.
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